À priori, le sexe n’est pas le domaine privilégié d’investigation pour économiste, du moins jusqu’à aujourd’hui.Car depuis quelque temps, les théoriciens de l’offre et de la demande s’y sont mis. C’est même devenu un domaine de recherche à part entière. Au dernier congrès de la puissante Association américaine d’économie (AEA), tenu en janvier 2008, une session entière était consacrée au « marché du sexe ». Steven Levitt, l’une des figures de la nouvelle économie de la vie quotidienne, y a notamment présenté une étude empirique très remarquée sur le marché de la prostitution.
L’économie du sexe est en plein boom. Tout y passe : prostitution, mais aussi masturbation, fellation, infidélité et même simulation de l’orgasme… Voyons plutôt !
Prostitution et fidélité
Dans More Sex Is Safer Sex (Free Press, 2007), Steven E. Landsburg, de l’université de Rochester, soutient cette thèse paradoxale. Si les femmes fidèles l’étaient un peu moins, cela pourrait limiter la progression du sida ! Modèle à l’appui, il en fait la démonstration suivante. Dans un pays où les femmes sont fidèles, les hommes sont plus enclins à fréquenter les prostituées. Et les prostituées sont parmi les principaux agents de transmission de la maladie. Tandis que si les femmes fidèles l’étaient un peu moins, par exemple en ayant une seule aventure extraconjugale, les hommes n’auraient que deux partenaires (leur femme et leur maîtresse) ; la maladie aurait alors beaucoup moins de chances de se diffuser. Voilà en tout cas ce que disent les modèles des réseaux. Pure invention d’économistes, reposant sur des hypothèses douteuses ? Et pourtant, le pays dont parle S. Landsburg existe. C’est la Thaïlande. Dans un livre récent, The Wisdom of Whores (Norton & Co, 2008), Elizabeth Pisani montre que le modèle thaïlandais, qui a évolué après 1990, correspond au schéma de S. Landsburg : les femmes se sont libérées, sont moins fidèles et la fréquentation des prostituées a baissé. Et avec elle la propagation du sida.
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