Dans Le Déni des cultures, Hugues Lagrange met le doigt sur un modèle de famille africaine polygame, patriarcale, où les pères exercent un pouvoir fort, les femmes sont soumises et les enfants nombreux. Est-ce que l’on peut dire que c’est une tradition « sahélienne » ?
L’auteur a rapproché deux sortes d’informations : celles relatives aux pays d’origine des familles d’immigrés et celles tirées d’une classification ancienne qui opposait, entre autres, deux grands types culturels en Afrique : celui des « greniers » et celui des « paniers » (c’est-à-dire « forestiers »). Mais ce sont des catégories qui ne correspondent ni à un régime de filiation, ni à un modèle de famille, ni à un statut particulier des femmes. Le Sahel est une région géographique et climatique, pas une aire culturelle, idem pour la région du golfe de Guinée. Dans les pays du Sahel, il existe une extrême diversité de traditions et, quitte à parler de cultures d’origine, il faut le faire jusqu’au bout. Le modèle que décrit Hugues Lagrange correspond en partie à celui des sociétés du fleuve Sénégal, pour l’essentiel les Soninkés. En revanche, par exemple, il est impossible d’y inclure – comme il le fait – les Diolas de Casamance, qui sont des patrilinéaires accordant une très grande autonomie aux femmes et qui, pour la plupart, n’ont jamais pratiqué l’excision des filles. Cette notion de « modèle sahélien » ne tient pas car, de deux choses l’une, ou bien c’est juste une étiquette régionale, ou bien cela ne désigne, au sein des populations immigrées, qu’une minorité de familles polygames, qui ne sont pas toutes originaires du Sahel.