État et institutions dans les démocraties occidentales

Les 17 et 18 mai derniers à Boston, une centaine de politologues et sociologues s'étaient donnés rendez-vous. Il s'agissait de comprendre les transformations des sociétés dans une perspective comparative (Europe/Amérique).

L'objet du colloque organisé par le Center for European Studies de Harvard et Sciences po Paris était d'étudier les transformations institutionnelles dans les sociétés contemporaines (particulièrement en France) en matière politique, sociale, voire économique : quels rôles jouent l'Etat, la législation et les politiques publiques ? Quelles ont été leurs évolutions dans les dernières décennies ? Comment assurent-ils la redistribution des ressources ? Cette redistribution et ses mutations sont-elles considérées comme efficaces et légitimes par les populations ?

Pour répondre à de telles questions, le colloque était organisé en cinq tables rondes portant sur un thème et réunissant trois ou quatre chercheurs (français et nord-américains principalement). Ces tables rondes abordaient chacune un des points majeurs de l'évolution des rapports entre la société civile, l'économie et les institutions étatiques. La première portait sur les relations industrielles (négociation sociale, législation du travail, corporate governance) ; la seconde sur les inégalités et les politiques de redistribution ; la troisième sur l'Etat providence et les politiques sociales ou de santé ; la quatrième sur l'émergence des échelons locaux (villes, régions) ou supranationaux (Europe) pour la mise en place de politiques publiques ; la dernière, enfin, cherchait à penser les mutations des valeurs et des pratiques politiques, dont la récente élection fournissait l'illustration. Une table ronde finale était chargée de tirer des conclusions transversales.

La première table ronde a donc étudié l'impact de la globalisation dans les relations industrielles et la régulation du travail, mais aussi la forme de gouvernance des très grandes firmes, soumises à un actionnariat de fonds de placement, de retraites ou de pensions américains. Ces derniers sont en effet très présents dans la capitalisation boursière européenne et leurs critères d'évaluation jouent un rôle considérable. Ils induisent une tendance à l'unification des normes de comptabilité des entreprises sur le modèle anglo-saxon et favorisent le démantèlement des conglomérats. Mais, comme l'a montré Michel Goyer, chercheur au Max Plank Institute de Berlin, les transformations industrielles en France et en Allemagne ont été conduites différemment. Si les industries allemandes ont adopté des formes de comptabilité plus « lisibles » au regard des normes internationales de type anglo-saxon, ce n'est pas le cas des grandes firmes françaises. A l'inverse, ces dernières ont opéré le démantèlement des conglomérats, alors que les firmes allemandes ne l'ont pas fait. Les différences entre ces firmes changent de nature, mais demeurent. Elles sont liées à la forme du management (les élites industrielles françaises sont issues de l'Etat), aux traditions industrielles, mais aussi aux types de régulation et de législation du travail.