Que le droit s’intéresse aux états psychiques des individus est-il vraiment nouveau ?
C’est essentiellement sous l’angle de la volonté que la vie intérieure apparaît d’abord dans le droit. Ainsi, le droit peut considérer qu’en raison de troubles psychiques, la volonté échappe à l’individu, ce qui justifiera par exemple l’irresponsabilité pénale. Or, je constate que, à partir des années 2000, un changement est intervenu. Ce sont désormais des aspects plus larges qui sont pris en compte et le droit n’encadre plus seulement des comportements physiques mais aussi des ressentis et des mécanismes psychiques.
Comment cela se manifeste-t-il ?
Les atteintes à l’intégrité psychique telles que les violences psychologiques au sein d’un couple, l’emprise ou le harcèlement moral, mais aussi certains états d’angoisse, d’anxiété, d’inquiétude, de troubles psychiques tels que le syndrome post-traumatique, se voient de plus en plus reconnus par le droit. Aujourd’hui, il est possible de demander la réparation de l’état d’anxiété consécutif à une erreur médicale, et l’angoisse de mort imminente peut-être constitutive aussi de préjudices pour les personnes victimes d’infractions terroristes, comme on l’a vu récemment. Nous sommes loin de l’idée qui a prévalu pendant longtemps en droit de la responsabilité, administrative notamment, selon laquelle la douleur morale ne se monnayait pas. Désormais, l’état psychique de la victime est également pris en compte. La question alors est de savoir jusqu’où.