Henri Bergson (1859-1941) Une conception spirituelle de la vie

Henri Bergson domine la philosophie du début du 20e siècle. Spiritualiste convaincu, il s’oppose à la psychologie scientifique et affirme notamment que la mémoire est une faculté de l’âme, détachée du cerveau.

«Un philosophe ne fait autre chose que rendre avec une approximation croissante la simplicité de son intuition originelle. » Au tournant du 19e siècle, en plein positivisme triomphant, Henri Bergson a réhabilité l’intuition comme seule méthode philosophique permettant de saisir l’essence de la vie et du concret, occultée par la science et le langage. Penseur solitaire et discret, spiritualiste convaincu, il devait dominer la philosophie de son époque. Deux idées principales habitent son œuvre : celle de la nature spirituelle de la mémoire, et l’existence première d’un élan vital qui n’est pas de nature mécanique.

Mémoire habitude et mémoire pure

Né à Paris, d’un père juif polonais et d’une mère anglaise, H. Bergson passe son enfance à Londres avant de s’installer à Paris. En 1877, il gagne le premier prix du Concours général de mathématiques. Hésitant entre sciences et humanités, il penche finalement pour ces dernières, et entre l’année suivante à l’École normale supérieure (ENS). En 1889, il publie sa thèse, l’Essai sur les données immédiates de la conscience, dans lequel il dissocie le temps abstrait et la durée concrète du vécu et de la conscience. Cela lui semble un préalable à la compréhension de la liberté humaine, qu’il estime irréductible. En 1896, il publie Matière et Mémoire, son second ouvrage, relativement difficile et riche, qui répond aux Maladies de la mémoire (1881) de Théodule Ribot. Celui-ci affirmait en effet que les souvenirs sont des traces physiques inscrites dans le cerveau humain et donc que « la mémoire n’est pas dans l’âme ».

H. Bergson s’oppose à cette thèse et critique aussi l’associationnisme, qui ramène tout à des liaisons entre cellules nerveuses. Il distingue deux formes de mémoire, la mémoire habitude et la mémoire pure. La mémoire habitude rejoue le passé : c’est la leçon apprise par cœur, récitée de façon mécanique. La mémoire pure, elle, enregistre le passé sous forme d’une « image souvenir » et constitue la vraie mémoire : c’est le souvenir de l’apprentissage de la leçon, un souvenir daté et contextualisé. À l’inverse de T. Ribot qui inscrit ces deux mémoires dans le cerveau, H. Bergson pense que la mémoire habitude est bien dans le cerveau mais que la mémoire vraie, elle, est en dehors.