En août 1971, dans les sous-sols du département de psychologie de Stanford (Califormie), le professeur Philipp Zimbardo aménagea une fausse prison. Vingt-deux étudiants volontaires (et correctement rémunérés) furent aléatoirement partagés en deux groupes, les uns jouant le rôle de gardiens, les autres faisant office de prisonniers. Précisons que les étudiants retenus étaient blancs, issus de la classe moyenne et sans casier judiciaire. Par cette expérience, P. Zimbardo voulait montrer que c’est l’environnement qui décide du choix des comportements individuels et non leur individualité propre – le débat entre ces deux théories était alors intense dans la communauté des psychologues américains.
Mais l’expérience, initialement prévue pour une durée de deux semaines, fut interrompue au bout de six jours. Le motif donné par P. Zimbardo ? Selon lui, « les gardiens se montrèrent brutaux et souvent sadiques ». Quant aux prisonniers, « la moitié d’entre eux furent si perturbés psychologiquement qu’ils durent être libérés plus tôt que prévu ». P. Zimbardo en conclut que dans un espace carcéral ne pouvaient donc naître que violence et déshumanisation, la nature humaine (vile, mauvaise, cruelle) affleurant rapidement. Depuis près de cinquante ans, l’expérience de Stanford s’inscrit de façon paradigmatique dans l’histoire de la psychologie et des sciences humaines. Son actualité a d’ailleurs été réaffirmée au moment du scandale de la prison d’Abu Ghraïb (2003-2004) révélant les traitements dégradants et humiliants infligés à des prisonniers irakiens par des soldats américains. P. Zimbardo est depuis lors, et à l’issue d’une longue carrière, considéré comme un expert des problèmes carcéraux.