J’ai connu Jean Rouch alors que j’étais coopérant au Mali, en 1967. Avec Germaine Dieterlen, ils commençaient à filmer le Sigui, rituel Dogon qui a lieu tous les soixante ans. À mes yeux, les ethnologues issus de l’équipe de Marcel Griaule, comme J. Rouch et G. Dieterlen, ont entretenu une conception figée du Pays dogon. Selon eux, cette culture est demeurée isolée des influences extérieures alors qu’elle était à cette époque largement islamisée. Or il n’y a pas une mosquée dans les films de J. Rouch. Dans ses fictions, comme Jaguar (1967) ou Petit à petit (1971), il véhicule par ailleurs l’image d’une Afrique bon enfant, joviale, une Afrique qui aurait conservé la part d’humour que nous aurions perdue. Une Afrique qui pourrait nous régénérer. Cette image correspond plus à un fantasme qu’à une réalité.
Jean Rouch vu par Jean-Loup Amselle : «Rouch a véhiculé une image fausse de l'Afrique»
Jean-Loup Amselle, anthropologue, directeur de recherche à l’EHESS