John Kenneth Galbraith (1908-2006) Le pouvoir des grandes firmes

Dans ses très nombreux ouvrages ou sur la scène politique, J. K. Galbraith a produit une critique acérée du capitalisme américain. Avec pour objet d’étude les deux grands enjeux de son temps : les géants industriels et l’État-providence.

Écrire des ouvrages d’économie sur les affres de la « technostructure » américaine et en faire des best-sellers, puis s’investir en politique pour défendre les thèses de Keynes : le parcours de John Kenneth Galbraith est audacieux. Né en 1908 au Canada, J. K. Galbraith vient d’une famille de fermiers. Plutôt que la carrière agricole qui lui était destinée, le « grand Ken » (il mesure plus de deux mètres) choisit l’économie et devient professeur aux États-Unis. À la fin des années 1930, alors qu’il est en poste à Harvard, il voyage en Angleterre et se convertit au keynésianisme, qu’il présente comme une « révélation ».

Un passage au sein de la haute administration, en tant qu’économiste en chef de l’Office of Price Administration, lui confirme que l’État peut réguler efficacement l’économie. Son expérience – surveiller les prix, fixer des plafonds pour éviter l’inflation, superviser le rationnement de certains secteurs pendant la guerre – le convainc qu’il est possible d’éviter un retour à la crise après la guerre, en stimulant la demande, selon les principes keynésiens.

Penser la technostructure

À son retour à Harvard en 1948, J. K. Galbraith, devenu célèbre, publie une série de livres qui deviennent des best-sellers. Dans un style clair, plein d’humour et volontiers provocateur, il s’attache à ce qu’il considère comme les grands enjeux de son époque : le pouvoir des grandes entreprises et l’intervention de l’État dans l’économie. Dans Le Capitalisme américain (1952), J. K. Galbraith dresse un constat : l’économie américaine ne ressemble en rien au marché parfait de l’idéal néoclassique, où se rencontreraient de petites entreprises en concurrence les unes avec les autres et des consommateurs libres et autonomes. D’après lui, le système américain est dominé par trois grands « pouvoirs compensateurs » (« countervailing powers ») : les très grandes entreprises – comme Ford ou U.S. Steel – les syndicats et l’État interventionniste. Ce livre est encore assez peu critique du pouvoir des grands groupes. Dans le contexte de la prospérité d’après-guerre, l’auteur considère que les géants industriels produisent un environnement stable et des investissements à long terme, garants de progrès technique.