Entre réchauffement climatique et inquiétudes des collapsologues, l’avenir semble bien sombre. Vous défendez pourtant que l’utopie puisse faire bouger les lignes. Comment ?
La question sous-entend que l’utopie pourrait aller à l’encontre des tendances à l’œuvre. L’utopie ne fait pas le travail d’aller contre le réchauffement climatique ou le risque d’effondrement. Elle s’efforce de donner de l’épaisseur à ces perspectives. Si le travail du Giec ou des collapsologues dresse un portrait en noir et blanc du futur, le travail utopiste apporte de la couleur au tableau. L’utopie se glisse dans les interstices de ces rapports, de ces projections, pour exprimer la spécificité humaine, faite de récits, de liens, de créativité.
Quand j’étais humanitaire pour des ONG, j’ai vécu dans des sociétés que l’on peut dire « effondrées », dans les bidonvilles de Manille ou de Bogotá. Et pourtant, le quotidien y était heureux. Il y avait en tout cas tout intérêt à vivre et à se réveiller le matin, à espérer que des jours meilleurs allaient suivre. L’utopie souligne que notre avenir n’est pas conditionné par la simple raréfaction des ressources. Dans mon expérience, cette descente en ressources, même si elle peut impliquer une tension ponctuelle sur le court terme, laisse en général la place à une créativité forcée et à un rebond d’humanité.
Pouvez-vous décrire deux ou trois utopies concrètes ?