Fondateur de la psychologie analytique, « dauphin » puis opposant de Sigmund Freud, premier président de l'Association psychanalytique internationale en 1910, Carl Gustav Jung (1875-1961) reste une figure emblématique de la psychanalyse. La liste de ses contributions est longue, à commencer par l'introduction des psychoses dans cette discipline naissante. Un de ses apports théoriques majeurs concerne sa conception, diamétralement opposée de celle de Freud, de l'inconscient.
Selon Jung, chacun de nous possède un inconscient collectif, donc commun à l'humanité, comme un patrimoine qui se serait forgé au fil du temps. L'inconscient collectif, base de notre psyché, est constitué de figures symboliques ancestrales, les archétypes. Les principaux sont l'anima, c'est-à-dire l'image féminine, l'animus, image du masculin, et le Soi, centre de la personnalité. Et c'est sur cette base commune à tous que va pouvoir se construire une identité individuelle, formée de ce que Jung nomme « types psychologiques » et d'une succession de processus d'individuation.
Mais son intérêt pour l'existence d'une structure inconsciente universelle s'est accompagné de la recherche des différences psychologiques entre les hommes. Rien de particulièrement choquant à cela, si ce n'est que l'angle choisi par Jung est celui des spécificités selon les « races ». Il dirigera d'ailleurs dès 1933 la Société allemande de psychothérapie, placée sous contrôle nazi... Taxé d'antisémitisme pour avoir distingué l'inconscient aryen de l'inconscient juif (le premier ayant un « potentiel supérieur au second »), Jung n'a pour autant jamais adhéré au nazisme. Son oeuvre, très abondante, reste entachée de ces affirmations, mais ne doit néanmoins pas être réduite à elles seules. L'originalité de ses conceptions et sa renommée ont permis le développement d'un courant, le jungisme (implanté en Grande-Bretagne, en Italie, au Brésil ou encore aux Etats-Unis), et donc d'une orientation dégagée de l'unique doctrine freudienne.
Patrick Deshayes
Maître de conférences en ethnologie à l'université Paris-VII, auteur de Les Mots, les images et leurs maladies, éditions Loris Talmard, 2001.