Karl Marx (1818-1883) L'économie comme politique

Difficile de considérer Marx comme un économiste au sens strict du terme. Tour à tour philosophe, sociologue et historien, l’auteur du Capital défend une approche globale du monde social. Mais l’économie n’en constitue pas moins le cœur de sa « conception matérialiste de l’histoire ».

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Marx grandit à Trèves (Prusse), dans une région très marquée par les idéaux de la Révolution française et les réformes napoléoniennes. Après avoir entamé des études de droit et malgré la désapprobation de son père, son intérêt se porte rapidement sur la philosophie. Il rédige une thèse sur la pensée d’Épicure, mais le contexte politique conservateur le dissuade de mener une carrière universitaire, qu’il sait vouée à l’échec du fait de la censure. Il exerce alors la profession de journaliste et commence une vie rythmée par les petits boulots, épaulé par sa compagne, Jenny von Westphalen, qui a quitté le faste de son milieu d’origine pour suivre son époux, et par Friedrich Engels, partenaire intellectuel et soutien financier. En 1849, il est définitivement expulsé du continent pour le soutien qu’il a témoigné aux mouvements révolutionnaires de 1848 et il trouve refuge en Angleterre, où il se consacre à la rédaction de ce qui deviendra Le Capital ainsi qu’à la mise sur pied de l’Internationale ouvrière, organisation destinée à unifier politiquement le monde ouvrier à l’échelle mondiale. Il meurt en 1883, laissant derrière lui une œuvre principalement faite de brouillons et de manuscrits qu’il reviendra à Engels d’éditer.

De la philosophie idéaliste à l’économie politique

Marx est d’abord un philosophe déçu. À l’origine séduit par la pensée de Hegel, dans laquelle il croyait trouver une matrice de compréhension du présent, il reproche assez vite à son compatriote sa rationalité intégrale du réel, qui confère à la pensée un rôle purement contemplatif. Marx, lui, cherche à intervenir dans les luttes de son temps. Il n’est pas seul dans cette voie, et fréquente à l’époque le milieu des « Jeunes hégéliens », qui entendent eux aussi transformer la philosophie hégélienne en critique du présent. Mais la rupture ne tarde pas : en 1845, Marx et Engels (avec lequel il s’est lié d’amitié quelques mois auparavant) publient La Sainte Famille, ouvrage qui ridiculise leurs anciens amis, accusés de ne voir dans l’histoire que des conflits d’idées et convaincus de jouer un rôle révolutionnaire par leurs écrits prétendument radicaux mais en réalité tout à fait inoffensifs. En faisant de cette même pensée le moteur de l’évolution historique, ces philosophes demeurent prisonniers de la philosophie hégélienne et ignorent le rôle déterminant des facteurs matériels (évolutions économiques, luttes politiques, etc.), que Marx découvre peu à peu à travers sa lecture des classiques de l’économie politique. Dès le milieu des années 1840, les grands traits de son projet sont ainsi esquissés : une critique matérialiste du monde dont il est le contemporain, c’est-à-dire tournée contre les choses et non contre les idées. Dans cette perspective, il s’applique à lire les historiens et les économistes (Adam Smith et David Ricardo notamment), et à fréquenter – par l’intermédiaire d’Engels – le milieu des militants politiques ouvriers français et anglais. Ses lectures et ses rencontres le rendent ainsi de plus en plus sensible à l’existence des classes sociales, qu’il voit comme le phénomène principal de la modernité capitaliste.