L’Andalousie… Pour le poète syro-libanais Adonis, cette partie méridionale de l’Espagne aurait été au Moyen Âge, sous l’égide de la dynastie musulmane des Omeyyades de Cordoue (756-1031), le lieu par excellence d’un métissage réussi. Là aurait existé une Espagne des trois cultures où les monothéismes musulman, juif et chrétien seraient parvenus à coexister en bonne intelligence, voire à entretenir une féconde collaboration. Un modèle pour notre présent…
Il ne sera pas difficile de trouver des opinions contraires. Principalement, il est vrai, sur des sites « islamophobes », où est développée par exemple l’idée qu’il s’agit là d’un mythe, « que les islamophiles en tous genres nous ressortent pour démontrer que l’islam serait une religion de paix, de tolérance et de libertés, et que la période andalouse aurait été un âge d’or de l’islam et de la civilisation européenne » (www.enquete-debat.fr, consulté le 30 juin 2016).
Trouver un point d’équilibre raisonnable entre ces visions n’est pas aisé. Dans un article intitulé « Les lignes courbes d’al-Andalus » (La Croix, novembre 2011), l’historien Gabriel Martinez-Gros rappelle que le « mythe andalou » est né dans l’Europe des Lumières, avec la condamnation d’une Espagne dominée par le fanatisme et ayant expulsé à partir de 1492 des musulmans andalous « laborieux, pacifiques, tolérants et savants ».
Ralliement de l’aristocratie
Exposons les faits : la conquête arabo-berbère de 711-713 installe dans l’ex-Hispania wisigothique (418-711) un pouvoir musulman appuyé sur des éléments militaires venus de Syrie et du Maghreb. Une nouvelle configuration politique se met en place, que l’on dénomme d’emblée « al-Andalus », nom qui apparaît très vite en arabe sur les premières monnaies frappées par le nouveau pouvoir. Les probables destructions et confiscations entraînées par cette conquête n’empêchent pas une partie de l’aristocratie autochtone de se rallier aux vainqueurs. Il va subsister, conformément à la loi islamique, des communautés chrétiennes dites mozarabes. Cela en dépit d’un mouvement de conversions à l’islam dont il est difficile de mesurer le rythme, mais qui aboutit à faire de l’Espagne du 13e siècle (à la différence de l’Égypte, abritant une forte minorité copte) un lieu où subsistent peu de chrétiens.