En matière scientifique, la dette des Occidentaux à l’égard des sciences arabes est immense comme le prouve l’étymologie des mathématiques. Les mots « chiffre » et « zéro » nous viennent du mot arabe « cifr » (vide, rien). « Cifr » a aussi donné en latin le mot « cifra », en français « chiffre ». En italien, il se transforme en « zifero » d’où vient notre « zéro ». C’est par ailleurs à Al-Khwârizmî, savant arabe du 9e siècle, que nous devons les bases de l’« algèbre », mot qui dérive de « al-djebir » qui signifie « réduction ». Et n’oublions nos « chiffres arabes » (1, 2, 3, 4…). Venus, comme leur nom l’indique, des Arabes, qui les avaient eux-mêmes importés d’Inde, ils ont supplanté en Europe les chiffres romains (I, II, III, IV…).
Pour comprendre les raisons de ce transfert, qui dépasse largement le seul domaine des mathématiques, il faut répondre à trois questions : 1) d’où viennent les sciences arabes ? 2) Quel fut leur apport propre, durant l’âge d’or de l’islam ? et 3) Comment et pourquoi une partie de ce savoir a-t-il été importé en l’Occident ?
1- D’où viennent les sciences arabes ?
En 750, un peu plus d’un siècle après la révélation de Mahomet, les armées musulmanes sont à la tête d’un immense territoire allant de l’Espagne à l’Iran, couvrant toute l’Afrique du Nord et la péninsule arabique. L’unification de ce vaste espace permet de mettre en contact des savoirs dispersés. Ainsi, à Bagdad, capitale de la dynastie abbasside, le calife al-Mamûn (813-833) fait construire la Maison de la sagesse, un campus universitaire avant l’heure. Les savants s’y livrent à un immense travail de recueil et de traduction en arabe des textes entreposés dans les bibliothèques des territoires passés sous domination musulmane. C’est le cas notamment d’Alexandrie qui fut, avec Athènes, le grand centre intellectuel de l’Antiquité. Certes, sa célèbre bibliothèque a brûlé, certes les grandes écoles de savants ont dépéri, mais il reste de nombreuses bibliothèques privées installées dans des demeures particulières ou des monastères. Les califes, avides de savoir, y envoient des ambassades en quête d’anciens manuscrits. Dans la Maison de la sagesse de Bagdad, des centaines des traducteurs se mettent au travail. En Inde, les commerçants arabes s’initient aux systèmes de calcul des commerçants indiens, et notamment à la numération de position, étape essentielle dans le développement des mathématiques. Le premier livre du grand Al-Khwârizmî se nomme d’ailleurs Livre sur le calcul indien. Les Arabes sont aussi en contact avec la Chine où ils découvrent l’usage du papier et de la boussole. Les astronomes, de leur côté, découvrent les livres du Grec Ptolémée et s’enrichissent des sources babyloniennes.
2 - Qu’ont apporté les Arabes ?
Les savants arabes 1 ne se contentent pas de traduire. Ils font eux-mêmes progresser le savoir dans de nombreux domaines comme les mathématiques, l’astronomie, l’optique, l’alchimie ou la philosophie…
• En mathématiques, les Arabes sont les héritiers de deux grandes traditions : celle des Grecs (et notamment de l’école d’Alexandrie) et l’école indienne. Après avoir assimilé ces apports, les mathématiciens arabes vont plus loin. La publication par Al-Khwârizmî, l’un des chefs de file de l’école des mathématiciens de Bagdad, du traité portant sur le calcul d’équations à plusieurs inconnues, est une étape essentielle. « L’événement fut crucial, note Roshdi Rashed qui a dirigé une imposante Histoire des sciences arabes (1997). Son importance n’a pas échappé à la communauté mathématique de l’époque, ni à celle des siècles suivants. Ce livre d’Al-Khwârizmî n’a cessé d’être source d’inspiration et objet de commentaires des mathématiciens, non seulement en arabe et en persan, mais aussi en latin et dans les langues de l’Europe de l’Ouest jusqu’au 18e siècle. » Les travaux d’Al-Khwârizmî ouvrent la voie à de nouvelles avancées. En arithmétique, de nouveaux procédés de calcul sont inventés : on les appellera « algorithmes » du nom d’Al-Khwârizmî. La géométrie, l’algèbre, la trigonométrie prennent aussi un nouvel essor.