« Attachement », « attaché » : le substantif et son adjectif sont tellement employés dans la vie courante que leur sens éthologique, psychologique et fondamental court le risque de la dilution et de la confusion. Il n’est pas rare d’entendre quelqu’un dire qu’il est attaché à sa voiture, à un meuble, ou encore plus souvent à son téléphone portable sans que cela ne réfère à la fonction vitale définie par Bowlby, le père de la théorie de l’attachement…
Ici, nous nous attacherons à parler de mécanisme biologique dans son rôle fondamental dans la vie de nombreuses espèces.
Comment « réussir » dans l’évolution ?
Deux grandes voies très différentes ont semblé privilégiées au cours de l’évolution.
• Les espèces qui ont connu le plus grand développement, la plus grande expansion, regroupent les insectes. Ils couvrent toute la surface de la terre. Dans ces cas, l’individu n’a pas d’importance : il est vu comme un élément du groupe ou de la colonie. Ce sont les espèces les plus sociales, les rôles sont définis et non interchangeables à tel point que, chez les abeilles par exemple, les organes reproducteurs s’atrophient et les mâles meurent après copulation.
• Dans d’autres espèces dont la nôtre, le mécanisme de l’attachement inclut l’établissement d’un lien privilégié entre la mère (généralement) et le ou les petits. Ce lien focalise l’attention, la perception sensorielle du petit vers un objet saillant dans son univers. Cela assure sa protection et permet son développement. Dans ces espèces, l’individu prend une valeur importante, au moins pour un autre individu de la même espèce. Ces espèces-là, même moins nombreuses ou moins largement distribuées sur la planète, ont pu combiner réussite de l’espèce et importance de chaque membre du groupe. L’attachement est une clef de cette réussite.
Les espèces qui ont suivi la voie de l’attachement sont très nombreuses et les variantes presque infinies. La plupart des mammifères et des oiseaux, d’une façon ou d’une autre, se développent dans l’attachement. Mais quand une mère humaine, ou chimpanzé, dauphin ou chien, passe la très grande majorité de son temps avec ses petits, d’autres comme les lapines ne passent que quelques minutes par jour dans le nid.
La caractéristique commune, base de la définition de l’attachement chez Bowlby, est la protection contre les prédateurs. Les espèces qui sont elles-mêmes essentiellement des prédateurs sont généralement nidicoles : les petits, vulnérables dans leurs premières semaines, restent dans le nid et développent non seulement un attachement à la mère mais aussi à la fratrie. Les espèces qui sont des proies s’avèrent dans leur majorité nidifuges ou précoces : il en va souvent de la survie du petit d’apprendre très vite à suivre sa mère en toutes circonstances, notamment en cas de fuite rapide en présence d’un danger. Les lapins ont sélectionné une autre adaptation dans laquelle la mère ne vient que quelques minutes pour allaiter. Le reste de son temps est passé loin du nid afin de diminuer le risque que ses petits soient repérés.