« L’esprit scientifique se constitue sur un ensemble d’erreurs rectifiées 1. » Par cette affirmation, Gaston Bachelard va adopter une vision fondamentalement historique de la science. Plus encore, il conçoit l’avancée de la pensée scientifique comme une remise en cause incessante de ses propres fondements. La science tendue vers l’avenir ne progresse qu’en rompant avec son passé. Témoin au début du XXe siècle des grandes mutations de la physique telles que la découverte de la théorie de la relativité d’Albert Einstein et de la mécanique quantique, G. Bachelard va chercher à conceptualiser ces bouleversements scientifiques. Il avance ainsi que l’histoire du progrès scientifique se pense en termes de discontinuité et de « ruptures épistémologiques ». Cette approche se veut à l’opposé du positivisme d’Auguste Comte, en plein essor dans les pays anglo-saxons, et qui procédait déjà d’une mise en perspective historique du progrès scientifique. Pour les positivistes, le progrès scientifique s’opère par accumulation continue et graduelle selon une logique encyclopédique. Pour G. Bachelard, le développement de la science avance par une série de ruptures nécessaires à l’émancipation de l’esprit vis-à-vis des conceptions scientifiques antérieures. La notion d’erreur prend alors toute sa place dans la dynamique de la pensée. Elle devient constitutive de l’esprit scientifique qui a appris à la repérer et à la rectifier. Il y a ainsi une positivité de l’erreur chez G. Bachelard qui permet à l’esprit de se construire en le mettant constamment à l’épreuve. Dans Le Pluralisme cohérent de la chimie moderne (1930), G. Bachelard explique que c’est en infirmant la thèse traditionnelle de « l’harmonie de la nature », postulant que tous les éléments sont liés par affinité, que le chimiste russe Dmitri Mendeleïev inventa la classification périodique des éléments.
L'épistémologie de Bachelard : entre ruptures et discontinuité
À une époque de grandes révolutions scientifiques, Gaston Bachelard instaure dès 1920 une vision discontinuiste du progrès scientifique en rupture avec la pensée positiviste. La science, selon lui, évolue et passe radicalement d’un mode de pensée à un autre.