L'essor de la psychologie de la santé

Entre compréhension des mécanismes en jeu dans les maladies et promotion de l'hygiène de vie, la psychologie de la santé multiplie modèles théoriques et recherches. Une discipline qui reste pourtant méconnue.

« Conduites à risques », « perception et ajustement à la maladie et aux traitements », « promotion de la santé », « qualité de vie », « stress et santé en milieu professionnel », « relation soignant-soigné », « représentations et santé chez les personnes âgées » : voici quelques-uns des grands thèmes qui furent abordés à Metz les 26 et 27 juin 2003, lors du IIe Congrès international de psychologie de la santé de langue française. La première édition, qui s'était déroulée en octobre 2001 à Bordeaux, avait déjà réuni de nombreux chercheurs, étudiants et professionnels de la santé et donné lieu à la création de l'Association de psychologie de la santé (APS). On peut le deviner à travers ces quelques lignes, ce qui caractérise la psychologie de la santé tient essentiellement à trois aspects : ce domaine de recherche est récent, ambitieux et fécond.

Une approche récente

La psychologie de la santé est en quelque sorte le produit de son temps. Un produit lié tout d'abord à l'évolution des maladies, puisqu'aujourd'hui les pathologies mortelles ne sont plus dues à des infections d'origine virale ou bactérienne, mais renvoient plus directement à des comportements individuels : cancers, maladies cardio-vasculaires ou sida. La santé, de manière plus large, devient de plus en plus source de préoccupation, et affaire de prévention. Comme le souligne le psychosociologue Gustave-Nicolas Fischer 1, de l'université de Metz (centre de recherche important en psychologie de la santé, qui a ouvert en 1996 le premier diplôme d'études supérieures spécialisées [DESS] consacré à ce domaine en France), « la santé n'est plus seulement un objet médical, elle est devenue un phénomène social, qui se traduit par tout un ensemble d'expressions centrées sur la promotion de manières saines de vivre : depuis les bienfaits de la remise en forme, en passant par les avantages de la margarine ou du beurre, les doses d'alcool tolérées, le poids idéal à atteindre, jusqu'à l'intérêt des produits bio ». De plus, à partir des années 80, de nouvelles relations se sont développées entre la psychologie et les sciences de la vie, principalement par le biais des neurosciences. Dans ce nouveau contexte social et scientifique, les interrogations sur la nature et l'influence des facteurs impliqués dans la santé se sont faites plus précises, et surtout plus nombreuses.

Elles ont abouti logiquement à la constitution d'une nouvelle discipline, la psychologie de la santé. Celle-ci a vu le jour progressivement : d'abord sous la forme d'un groupe de travail réuni en 1976 au sein de l'Association américaine de psychologie (APA) ; puis par la création de la section 38 de l'APA sous le nom de « Health psychology », qui comptait déjà, après quinze années, quatre mille membres et devenait ainsi la deuxième section, en nombre de membres, après celle de psychologie clinique.

Joseph D. Matarazzo, premier président de la section américaine, considérait que l'objet de la psychologie de la santé était la compréhension de la santé et de la maladie par le prisme des savoirs fondamentaux de la psychologie. La définition actuelle qui fait consensus est beaucoup plus précise : cette discipline étudie les différents facteurs psychiques, sociaux et biologiques impliqués dans l'adoption de comportements bons ou néfastes pour la santé, ou dans l'apparition et l'évolution d'une maladie. Elle aborde la santé de manière globale, et « tend ainsi à mettre l'accent sur les capacités des individus et leurs ressources psychiques adaptatrices concernant leur propre état de santé2 ».

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Dans cette conception, l'individu cesse de subir pour devenir un acteur, acteur de son bien-être, mais aussi acteur face à la maladie. Considérant que les variables psychiques, sociales et biologiques sont en interaction, la psychologie de la santé cherche à comprendre la nature de ces relations, dans toute leur complexité.

Des objectifs ambitieux

Sur le plan théorique, elle intègre les apports de différentes disciplines, telles que la biologie, les neurosciences, la psychologie clinique et la psychologie sociale, ou encore la psycho-neuro-immunologie. Elle s'appuie également sur les trois modèles qui, au xxe siècle, se sont attachés à comprendre l'origine des maladies, pour tenter d'en conserver les aspects les plus intéressants et d'en dépasser les limites : le modèle biomédical, le courant psychosomatique et l'approche épidémiologique.

Dans la conception biomédicale, « la maladie est la conséquence d'agents pathogènes externes (traumatismes, virus, facteurs toxiques) et internes (déséquilibres biochimiques) », explique Marilou Bruchon-Schweitzer 3. Ce modèle, encore prédominant dans la médecine et les conceptions de la santé, a trouvé un prolongement dans les théories dites du stress (un stimulus, l'agent «stresseur», et la réponse au stimulus, l'état de stress). Mais, toujours selon M. Bruchon-Schweitzer, il demeure très mécaniste (une cause pour un effet), et apparaît également partiel, « car il ne considère que l'aspect objectif et "standard" des événements (gravité, durée, fréquence) et ignore les processus intermédiaires (perceptifs, cognitifs, affectifs, comportementaux) mis en place par chaque individu ».