Selon Monique Canto-Sperber, les progrès techniques nous font non seulement accéder à une plus grande puissance mais vont jusqu’à créer de « nouvelles dimensions du réel », un élargissement de notre monde conjuguant virtualité et simultanéité. Celui-ci exige de nouvelles normes ainsi que de nouvelles limites applicables à ces capacités inédites. La nécessité s’en ressent a fortiori lorsque notre rapport à la nature n’est plus celui de l’observation passive mais celui de l’intervention dans la matière elle-même, brouillant la frontière entre le naturel et l’artificiel. L’orientation de l’action technique a changé, elle ne va plus du connaître au faire mais du faire au connaître. Selon l’auteur donc, « il n’existe pas d’autres solutions que le progrès pour résoudre les problèmes que le progrès lui-même a créés ». Pour M. Canto-Sperber, c’est sur la capacité inventive de l’éthique et sur la volonté normative des philosophes qu’il faut miser. Non pas déplorer le progrès mais demander un contrôle de ses applications ; non pas redouter les avancées de la science mais prôner la maîtrise de ses découvertes. Pour ce faire, deux dispositions sont à entretenir : un devoir de lucidité et une préparation morale, soit une faculté d’anticipation reposant en dernière instance sur un apprentissage permanent, un entretien de l’empathie. Térence le disait déjà : « Nihil humanum a me alienum. »
Marc Olano