La « massification » du système scolaire entraîne-t-elle un égal accès à la réussite pour les publics très hétérogènes qu'accueillent aujourd'hui les lycées ? Elisabeth Bautier et Jean-Yves Rochex, membres de l'équipe de recherche en sciences de l'éducation de Paris-VIII, publient les résultats d'une vaste enquête sur ces nouveaux lycéens. Ce qui frappe dans les entretiens présentés, c'est le désir « d'y arriver » de tous ces jeunes, même lorsqu'ils sont en grande difficulté. Certains d'ailleurs travaillent énormément - sans pour autant obtenir de résultats.
Selon les auteurs, c'est le rapport au savoir qui est en question. Ceux qui sont en échec croient que, pour réussir, il suffit de s'acquitter d'une succession de devoirs, de bien faire en quelque sorte son « métier d'élève ». On est alors dans une logique où les tâches sont juxtaposées et où la note est le seul résultat important, induisant un esprit de compétition dans lequel ces jeunes sont les perdants : d'où frustration, isolement, engrenage de l'échec... Ceux (et plus souvent celles) qui réussissent ont une tout autre perception de leur scola- rité. Ils sont dans une logique « d'apprentissage et de transformation de soi ». Au lieu d'effectuer mécaniquement des tâches, ils s'approprient les savoirs et développent à partir d'eux un point de vue personnel. Ceux-là sont dans une logique d'échange : ils peuvent alors participer de toute une sociabilité juvénile et fonctionnent avec leurs pairs selon « une logique de frères ». Ils sont aussi capables de minorer le caractère affectif de la relation pédagogique, contrairement aux « mauvais élèves » (qui pensent souvent : « Je ne réussis pas car le prof ne m'aime pas »)...