« La vie n’est qu’un tissu de coups de poignards qu’il faut savoir boire goutte à goutte. » Tiré des Facéties du sapeur Camember de Christophe (1896), cet enfilement de métaphores peut s’appliquer au rapport tendu que la société française entretient avec l’immigration. Il sape le mythe d’une France millénaire qui aurait cultivé son pré carré jusqu’à ce qu’une invasion étrangère vienne récemment mettre en péril son identité.
Les « coups de poignard », ce sont les violences génératrices d’exil et de migrations : guerres, persécutions, insécurité. Moins la misère du monde que l’incurie des États. La liste est longue : Juifs expulsés d’Espagne ou du Portugal, exilés des révolutions de 1848, rescapés du génocide arménien, républicains espagnols, Chiliens, Vietnamiens, Cambodgiens, etc., jusqu’aux exilés de Syrie ou de la corne de l’Afrique. Les régimes d’autarcie en Espagne et au Portugal ont été des facteurs de répulsion, de même que l’absence de perspectives au Maghreb et dans le reste de l’Afrique.