L'image à la télévision, de l'anecdote à la fascination Entretien avec Isabelle Veyrat-Masson

À son apparition au début des années 1930, la télévision fut perçue comme une radio améliorée par des Français peu enthousiastes. Les premiers à percevoir le potentiel de ses images ne furent pas les artistes, mais les politiques.

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Isabelle Veyrat-Masson

Historienne et sociologue des médias, directrice de recherche au CNRS, directrice du laboratoire Communication et politique (Irisso-Paris-IX), enseignante à Sciences Po et à Paris-Sorbonne, elle a notamment publié Histoire de la télévision française de 1935 à nos jours (avec Monique Sauvage, Nouveau Monde, 2012).


Les premières émissions de la télévision française sont diffusées en 1935 alors qu’il n’y a quasiment personne pour les regarder. Qui en est à l’initiative ?

À la fois des ingénieurs des télécoms (la première diffusion d’une émission expérimentale (en 30 lignes) a lieu entre deux laboratoires le 14 avril 1931) et des politiques, en l’occurrence Georges Mandel, ministre des PTT qui lance les programmes réguliers, le 26 avril 1935, en présence de Béatrice Bretty, une très proche amie, qui en sera la première « animatrice », puis son successeur Robert Jardillier. Donc pratiquement pas d’artistes, et peu de journalistes. Certains vont collaborer à des programmes expérimentaux, mais sans conviction, et ils ne comprendront pas l’intérêt de la télévision avant les années 1960.

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Les politiques s’y intéressent-ils avant tout le monde pour délivrer un certain message ?

Ils voient plutôt l’intérêt de pouvoir informer, cultiver et distraire, comme avec la radio : pour les pionniers, la télévision, c’est la radio avec des images, ou, à la rigueur, la possibilité de disposer du cinéma à domicile. La fonction de divertissement semble donc d’abord prioritaire, mais très vite, comme toujours, les politiques comprennent l’intérêt de pouvoir diffuser leurs propres messages. Avec le recul, cependant, on ne peut pas dire, dans une vision un peu « complotiste », qu’il se soit agi d’un simple média de propagande. Même les sociétés totalitaires de l’entre-deux-guerres, l’Allemagne en particulier qui a développé la télévision avant la France, ne se contentaient pas d’un simple bourrage de crâne politique…