Comment est né le concept de race ? Pourquoi s’est-il imposé au XIXe siècle, dans la communauté scientifique comme dans la société ? Telles sont les questions auxquelles répond cet ouvrage collectif dirigé par trois historiens, spécialistes de la période coloniale et des migrations. Une vingtaine de contributions explorent la généalogie de la notion de race à partir du XVIIe siècle, l’internationalisation du concept et ses usages, jusqu’au XXe siècle, lors des manifestations culturelles (expositions internationales, zoos humains, musées). Parmi les contributions notables, celle de Thierry Hoquet revient sur genèse de la notion de race dans les études de médecine et de biologie, menées par trois « taxinomistes précoces » : François Bernier, Buffon et Carl von Linné. Il montre la naturalisation croissante du terme : « L’histoire du concept ferait la transition d’une approche en termes de lignages à une approche naturaliste. » On passerait d’une conception de la race comme filiation, réelle ou supposée (par exemple, la race de Caïn), à la recherche de caractéristiques physiques similaires (craniométrie). « Selon cette lecture, l’application de la “race” aux humains serait première et s’étendrait à partir de ce cas d’espèce à l’ensemble du règne animal. » Elle se déploie également au niveau international, comme en témoignent les usages savants et populaires de la notion en Europe, en Afrique ou encore, ce qui est moins connu, en Russie, en Asie et au Japon. L’ouvrage permet de comprendre la circulation des savoirs à cette époque, tout en montrant les liens entre l’anthropologie physique et les lieux d’exhibition de groupes ethniques. Les forains, notamment, auraient participé à la diffusion du discours raciste hors de l’espace scientifique en exhibant des hommes qualifiés de « sauvages » ou de « chaînons manquants ». Une imposante bibliographie permet d’approfondir le sujet.
L'invention de la race
L’invention de la race. Des représentations scientifiques aux exhibitions populaires. Nicolas Bancel, Thomas David et Dominic Thomas (dir.), La Découverte, 2014, 440 p., 27 €.