Les réponses à ces grandes questions se répartissent en deux catégories.
• Les sciences humaines ont répondu sous la forme d’un « grand récit » des origines, qui affirme que la société est née en rupture avec l’ordre naturel, sous forme d’un acte inaugural. Jean-Jacques Rousseau et Thomas Hobbes voyaient la naissance de la société comme un rassemblement d’individus « sauvages » décidant soudain de passer un « contrat social ». Émile Durkheim identifiait la fondation des sociétés à une grande cérémonie collective donnant naissance à la fois à la religion, à la morale, à la société et aux représentations collectives. Claude Lévi-Strauss a imaginé que le passage « de la nature à la culture » s’est effectué avec l’invention de la prohibition de l’inceste et l’échange de femmes.
• La théorie de l’évolution propose un autre modèle. Elle affirme que les sociétés humaines ne se situent pas en rupture, mais dans le prolongement de l’ordre naturel. La société n’est pas une invention humaine. Les loups vivent en petits groupes communautaires, autour d’un chef qu’ils vénèrent, respectent et suivent fidèlement. Ils chassent ensemble, s’occupent des petits, prennent le repas en commun et pratiquent même l’évitement de l’inceste. Et le monde animal a créé une grande diversité de formes de vie sociale.
L’étude des sociétés animales remet donc en cause un dogme fondateur des sciences humaines selon lequel la société est fondée sur la culture et que cette dernière marque une rupture avec l’ordre naturel.
Depuis quelques années, il n’est plus de mise d’opposer ces deux modèles, il faut envisager leur dépassement. Mais comment ? C’est ce que nous allons voir.