La destruction créatrice du savoir...

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ÉDITORIAL

Avec la crise, l’expression de « destruction créatrice » est devenue à la mode. La formule de Joseph Schumpeter semble résumer la loi élémentaire de l’innovation : le neuf élimine le vieux.

Cette loi impitoyable semble valoir pour les techniques (la voiture a éliminé le carrosse), Elle vaut aussi pour le vivant : des espèces évoluent, d’autres disparaissent. La loi s’applique aussi aux langues. À l’échelle de la planète, un vaste processus d’élimination de langues locales est à l’œuvre : on estime que sur les 6 000 langues vivantes actuelles, la moitié aura disparu à la fin du siècle. Et les linguistiques tentent de recueillir leurs vocabulaires et leurs grammaires avant qu’elles meurent.

La destruction créatrice s’applique-t-elle aussi au monde des idées ? En partie oui. Les livres et les pensées qu’ils contiennent subissent le sort d’une production proliférante : l’engloutissement sous le flot incessant des publications nouvelles. La course à la nouveauté fait son œuvre. Les livres sont soumis à la loi de la destruction créatrice : vite lus, vite oubliés.

Personnellement, j’ai bien du mal à me souvenir des livres que j’ai lus il y a quelques semaines, quelques mois. Ne parlons pas des années ! Et je me trouve pris au dépourvu quand on me demande ce que j’ai lu ces derniers mois.

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Seuls me reviennent en mémoire quelques titres. D’abord les plus récents et marquants : Avant l’histoire. L’évolution des sociétés, de Lascaux à Carnac (Alain Testart, Gallimard, 2012) propose une véritable façon de penser l’évolution – on y reviendra bientôt dans Sciences Humaines. Le livre de Pierre-Henri Castel sur les « obsédés » vaut aussi le détour, même si je suis loin de partager ses vues. Africa. États faillis, miracles ordinaires (Richard Dowden, Nevicata, 2012) est selon moi un chef-d’œuvre : à la fois livre d’histoire, reportage personnel, réflexion tocquevillienne sur le destin de tout un continent. Auriez-vous crié « Heil Hitler » ? (François Roux, Max Milo éd., 2012) me paraît décisif : il renouvelle le sujet crucial de l’engagement, la soumission et la résistance des Allemands à l’époque du nazisme. Dans mon « top five », j’inclurais sans doute aussi L’Imaginaire du zen. L’univers mental d’un moine japonais (Bernard Faure, Belles Lettres, 2012) : une vision iconoclaste du zen, qui nous plonge dans une culture et une mythologie bien éloignées des versions « épurées » transmises en Occident.

Quoi d’autres ? À vrai dire, me voilà pris de court… Heureusement, les idées d’hier n’ont pas tout à fait disparu : elles restent stockées sur les rayons de la bibliothèque ou dans les disques durs, en attendant que l’on vienne les réveiller.

L’idée de développement intellectuel durable (Did) défendue depuis quelques mois dans ces colonnes suppose, entre autres, de stopper parfois la course à la nouveauté pour revenir sur le passé. Les fins d’années sont propices à un bilan.

Ce serait alors un bon exercice de Did que de se remettre en mémoire les livres marquants de l’année. Et de les partager ensemble.

Je vous invite donc à nous rejoindre sur notre site où, en plus des livres de l’année, vous pourrez faire partager vos découvertes. Une façon de préserver la biodiversité intellectuelle.