La fin de l'hospitalité

Le regard porté sur les migrations a changé. Les discours racistes se développent et les politiques d’accueil deviennent moins hospitalières.

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Les migrations représentent 3,5 % de la population mondiale. Rares sont ceux qui quittent leur pays par plaisir. On s’exile parce que la vie sur place n’est plus supportable, qu’il s’agisse de raisons politiques ou religieuses, économiques ou environnementales. Les migrations ont toujours fait partie de l’histoire de l’humanité, ce que les religions juive, chrétienne ou musulmane ont mis au cœur des livres saints, comme l’Exode dans l’Ancien Testament. La philosophe Hannah Arendt dans Les origines du totalitarisme qualifie la migration comme l’expérience de la perte 1. Avec les grands bouleversements du 20e siècle (dont le démembrement de nombreux empires et les deux guerres mondiales), des individus, voire des populations, ont été condamnés à la migration. Ces individus se retrouvent parfois sans droits ; ils n’arrivent ni à être naturalisés dans de nouveaux pays, ni à être réintégrés dans leur pays d’origine. Ils font l’expérience de la perte : celle du chez-soi, de la texture d’un monde social qu’ils sont condamnés à quitter ; celle d’une protection gouvernementale, de droits (de résider, de travailler, d’être éduqué, etc.).

Au nom de la déclaration des droits de l’homme de 1948, de la convention de Genève de 1951, les pays riches et soucieux de l’État de droit devraient pratiquer l’accueil des migrants. Or, les années 2015-2017, assombries par les guerres au Moyen-Orient et l’exode massif des Syriens, mais aussi des Afghans et des Érythréens, n’ont pas montré une grande capacité du Nord à accueillir les populations du Sud en exil. Un nombre incalculable de femmes, d’enfants, d’hommes tentent de franchir la Méditerranée, du sud au nord. Ces traversées constituent les ultimes épreuves d’un cycle infernal : ne plus être respecté en tant qu’être humain, payer cher pour une traversée difficile et périlleuse, quitter un pays que l’on a aimé et que l’on ne reconnaît plus. La traversée représente le dernier espoir de pouvoir mener une vie encore humaine. Ces humains montrent une détermination qui ne peut que susciter l’admiration. Pourtant, ces migrants que l’on pourrait nommer « demandeurs de refuge » sont souvent mal accueillis au Sud (en Turquie, au Liban, en Afrique, ils sont très nombreux dans des camps) comme au Nord, où les demandes d’asile sont attribuées après une très longue démarche administrative, avec beaucoup d’échecs.