La «grande stagnation» : et si l'innovation était en panne ?

Et si les innovations d’aujourd’hui n’étaient plus porteuses de croissance ? Plusieurs économistes américains soutiennent cette thèse 
qui fait débat aux états-Unis.

Les téléphones portables et tablettes mobiles et les objets connectés font croire que nous sommes en train de vivre une troisième révolution industrielle. Pourtant, de l’autre côté de l’Atlantique, des économistes réputés soutiennent au contraire que les innovations actuelles sont loin d’être comparable à ce que furent les deux premières. Et si, à long terme, c’est le progrès technologique qui constitue la principale source de croissance, force est de constater que celui-ci marque le pas. Et les pays avancés auraient donc basculé dans une période de « grande stagnation ».

L’innovation s’essouffle, la croissance freine

La Grande Stagnation est le titre d’un livre publié en 2011 par Tyler Cowen, un économiste réputé qui soutient que l’innovation est entrée dans une phase de rendements décroissants où les effets de la technologie marquent le pas et où l’on atteint un « plateau technologique ». Les idées révolutionnaires qui sont à la base de la révolution numérique auraient donné l’essentiel de leurs effets ; il est donc de plus en plus difficile de trouver des idées novatrices. L’innovation s’essouffle, ce qui ne manquera pas de freiner la croissance américaine sur le long terme et, par là même, celle du reste du monde. Ce ralentissement était déjà à l’œuvre avant la grande récession de 2008 ; la crise financière mondiale nous en aura juste dissimulé un temps les tendances lourdes en nous suggérant qu’il n’était que momentané.

Un autre économiste de renom, Robert Gordon, de la Northwestern University (Illinois), a, de son côté, déclaré « la fin de la croissance américaine ». Dans un article paru en 2012 qui a fait beaucoup de bruit 1, il rappelait qu’au cours des deux derniers siècles et demi, le monde a connu trois révolutions industrielles. La première se déroula de 1750 à 1830 et délivra, entre autres, la machine à vapeur, le filage du coton et les voies ferrées. La deuxième, la plus importante, s’étala de 1870 à 1900 et engendra des innovations aussi diverses que les centrales électriques, le moteur à combustion interne, l’eau courante avec la plomberie intérieure, les moyens de communication, la chimie et le pétrole. En l’occurrence, R. Gordon considère que ses trois inventions les plus décisives sont apparues en l’espace de trois mois en 1879 : Thomas Edison a inventé l’ampoule électrique, Karl Benz a mis au point un moteur à allumage électrique et David Edward Hughes a réussi à envoyer des ondes sur une distance de plusieurs centaines de mètres. Les progrès observés ensuite jusqu’à 1972 consistèrent finalement à développer des inventions subsidiaires et complémentaires à celles apparues au tournant du siècle. La troisième révolution industrielle se déroula de 1960 à 2005 et offrit les ordinateurs, Internet et les téléphones mobiles.