« Je suis à un buffet. Des personnes me rejoignent pendant que je finis mon assiette. Je vais à la cuisine pour trouver un dessert, mais il n’y a plus rien sauf de drôles de pains. J’en prends trois tranches. Je ne trouve pas d’assiette propre. Je trouve un vase en forme bizarre mais je le repose et je cherche jusqu’à ce que je trouve un bol. »
Un mécanisme universel
Comme Dorothea, qui enregistre ce rêve en 1957 1, nous avons vécu tous ces moments étranges : les sensations, les émotions, les actions que nous ressentons sont réelles, et pourtant notre corps gît, immobile. Ces hallucinations nocturnes intriguent depuis longtemps les savants. Depuis plus d’un siècle, les travaux de recherche se sont multipliés grâce à la mise au point d’outils exploratoires comme l’électroencéphalographe, mis au point dans les années 1920, ou l’imagerie à résonance magnétique (IRM), inventée en 1980. S’y ajoutent l’observation de dormeurs accueillis en laboratoire et réveillés périodiquement dans leur sommeil, l’analyse des rêves de patients atypiques (victimes de lésions cérébrales ou de handicaps divers) ou encore les expériences animales, sans oublier les analyses des récits collectés dans les banques de rêve. Grâce à ces explorations, nous commençons à mieux comprendre le comment du rêve, à défaut d’en élucider le pourquoi.
Nous rêvons tous, mais seuls certains d’entre nous se souviennent de leurs rêves. C’est le cas si on est jeune ou si on est une femme. De même, les dormeurs des grandes villes rêvent plus que les ruraux ou les habitants de petites bourgades, peut-être parce que le souvenir de nos rêves est lié aux microréveils qui ponctuent naturellement nos nuits. Enfin et surtout, plus on s’intéresse à ses rêves, plus on s’en souvient. Tenir un carnet de rêves au réveil contribue jour après jour à prendre conscience de notre activité onirique. En revanche, il n’y a pas de corrélation entre le souvenir du rêve et les capacités cognitives : une bonne mémoire dans la vie éveillée ne vous garantit pas que vous vous souviendrez du moment où votre patron s’est transformé en dinosaure. Dommage…
4 à 5 heures de nos nuits
Dans les années 1950, l’observation de l’activité cérébrale, motrice et oculaire a permis de distinguer deux types de sommeil, qui alternent au cours de la nuit. Le sommeil paradoxal se caractérise par des mouvements oculaires (d’où son autre nom de sommeil REM : rapid eye movement sleep) et une activité électrique du cerveau proche de celle observée durant l’éveil. Il alterne au cours de la nuit avec le sommeil, au cours duquel l’activité cérébrale est plus réduite et le cerveau émet des ondes lentes. On a longtemps cru que les rêves se produisaient uniquement lors du sommeil paradoxal. Mais des travaux plus récents ont permis de constater qu’en réalité, la moitié des rêves environ se produit durant le sommeil lent, même si les rêves du sommeil paradoxal sont plus riches, plus intenses et plus bizarres. En pratique, nous passons donc la majeure partie de la nuit à rêver – probablement 4 à 5 heures.