Le puzzle de nos origines

Paléoanthropologie, primatologie, sciences cognitives et neurosciences... Le colloque de Nantes, réunissant une pléiade de chercheurs, a montré qu'une pluridisciplinarité s'avérait aujourd'hui nécessaire pour penser l'unité et l'identité du genre humain.

Du 3 au 5 septembre 2003, s'est tenue à Nantes l'Université européenne d'été consacrée à l'« Unité et identité de l'homme » en présence d'Edgar Morin qui, trente ans auparavant, avait initié le célèbre colloque de Royaumont sur l'unité de l'homme 1. A l'époque, les meilleurs spécialistes étaient venus présenter les travaux sur la primatologie, le cerveau, la préhistoire.

Dans son livre, Le Paradigme perdu (Seuil, 1973), publié au même moment, E. Morin rappelait déjà la nécessité pour les sciences humaines de repenser l'homme en prenant en compte l'articulation entre la nature et la culture dans la constitution de l'humain. Il invitait à une pluridisciplinarité qui briserait l'insularité dans lesquelles les disciplines s'étaient enfermées.

Trente ans plus tard, compte tenu des avancées réalisées en paléoanthropologie, primatologie, sciences cognitives et neurosciences, la question semble d'autant plus d'actualité.

L'un des premiers intervenants fut le paléoanthropologue Michel Brunet. C'est pour tester l'hypothèse de « l'East Side story » d'Yves Coppens que M. Brunet et son équipe sont partis en quête d'hominidés au Tchad. En 1995, il mettait au jour les restes d'un australopithèque (Abel), portant ainsi un coup à la thèse selon laquelle les hominidés seraient apparus en Afrique de l'Est. Avec la découverte au Tchad d'un nouveau fossile (Toumaï, 2002), M. Brunet pense ruiner définitivement la théorie de l'East Side Story mais tient surtout le plus vieil hominidé connu à ce jour (7 millions d'années).

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Pascal Picq, du Collège de France, a tenté de restituer la découverte de Toumaï dans un contexte bien plus large. La découverte depuis trente ans de plusieurs espèces d'anciens hominidés (une dizaine de types d'australopithèque, autant d'anciens types d'Homo) oblige à penser l'évolution, non comme une évolution continue conduisant aux actuels, mais comme un arbre évolutif buissonnant. Pour P. Picq, un des défis actuels est de concevoir des modèles d'anthropogenèse qui rendent compte de la diversité évolutive des humains. Cela exige de prendre en compte les facteurs écologiques, mais aussi les contraintes sociales et culturelles qui ont conduit à l'apparition des hommes actuels. Cette anthropogenèse (qui se distinguera de la seule hominisation biologique) suppose de relever un grand défi théorique : construire des modèles d'évolution bioculturels qui sont aujourd'hui inexistants. P. Picq a raconté à la tribune que c'est la lecture des trois volumes de L'Unité de l'homme qui l'avait alors amené à quitter ses études de physique pour se consacrer à la paléoanthropologie. « J'ai lu ces livres ; j'ai été enthousiasmé. Voilà ce que je veux faire ! »