Pour Christopher A. Bayly, la mondialisation n’est pas une idée neuve. Un processus de « mondialisation archaïque » est ainsi perceptible depuis l’Antiquité en Eurasie. Il opère sur trois registres : les flux commerciaux et de populations ; les conceptions sociales partagées (en termes de types de hiérarchies et de pratiques corporelles) ; les ambitions transfrontalières de grandes religions. Ce système ne fait que prendre une nouvelle dimension avec les colonisations européennes, leurs systèmes esclavagistes et l’argent du Nouveau Monde, qui amorcent le début de la mondialisation capitaliste. Celle-ci bat son plein avec la première mondialisation économique du XIXe siècle. L’essor de l’Occident affecte rapidement l’Asie : les Britanniques vont dicter leur loi à l’Inde puis à la Chine, obligeant par exemple cette dernière à importer de l’opium produit en Inde pour payer des marchandises (thé, soieries, porcelaines…) qu’ils ne pouvaient acquitter jusqu’alors qu’en métaux précieux. Après 1815 et la chute de Napoléon s’impose un nouveau modèle international, dominé par la figure de l’État-nation. Mais, pour C.A. Bayly, ce nouvel ordre ne remplace pas le premier. Il s’y superpose. La rupture est certes économique, avec la montée en puissance du capitalisme. Mais la mondialisation archaïque résiste. Elle reposait par exemple sur les efforts faits pour acquérir des denrées exotiques, telles ces épices auxquelles on prêtait la possibilité de transformer les corps (l’auteur parle de « produits biomoraux » pour qualifier ces produits porteurs d’une dimension biocorporelle) – l’attrait pour ces produits subsiste. C.A. Bayly campe ici une histoire à la fois globale (en ce sens qu’elle porte sur le temps long et sur des échelles de temps et d’espace très diverses) et connectée, car tissant sans cesse des liens entre les événements pour montrer en quoi ils se sont influencés à travers les cinq continents, au fil du long XIXe siècle.