La place du prophète

De même qu'il n'est pas exceptionnel qu'un médecin occidental oriente un patient vers un magnétiseur, en Afrique, la distinction entre guérisseurs et médecins ne recouvre pas aussi simplement les oppositions classiques entre tradition/modernité, non-écrit/écrit, village/ville. Différentes légitimités s'affrontent parfois, mais elles se combinent souvent, comme c'est le cas avec la figure du prophète africain qu'examine Joseph Tonda, qui a effectué un travail de terrain au Congo.

Ces prophètes empruntent aux deux registres et sont travaillés par le souci de la reconnaissance et de l'affirmation de leur identité. Le prophète africain combine les pratiques des champs thérapeutique et religieux indigènes, recompose les fonctions du prêtre et du médecin : « Personnage caractéristique de l'entre-deux culturel, le prophète est le symbole achevé de l'écartèlement identitaire ». Par la force de l'imaginaire, les « médecins africains », mus par ce « syndrome du prophète », s'accaparent des identités professionnelles reposant sur la magie de l'écriture ; ils s'approprient symboliquement une part de la puissance du monde blanc.