La psychologie aujourd'hui. L'introuvable unité

Si la psychologie a aujourd'hui trouvé sa place dans la société, elle doit cependant gérer des exigences souvent contradictoires. Les logiques de l'enseignement, celles de la recherche et celles de l'intervention ne concordent pas ; les modèles biologiques et culturels ont du mal à s'articuler. Ce manque d'unité de la discipline est aussi un signe de richesse.

Evoquer la psychologie aujourd'hui, c'est nécessairement parler des évolutions les plus marquantes de ces deux dernières décennies.

Discipline marginale dans les années 60, intéressant un petit nombre d'étudiants, elle attire maintenant un large public, au point que les formations en psychologie sont souvent les premières en nombre dans les universités de sciences humaines. Dans le même temps que les départements et les UFR 1 de psychologie faisaient face tant bien que mal à cette demande étudiante, une réflexion collective s'est organisée, touchant aussi bien la profession, les formations, la recherche que la déontologie. La reconnaissance et la protection du titre de psychologue 2, l'établissement d'annuaires de l'enseignement et de la recherche en psychologie (édités par l'AEPU), la refonte du code de déontologie (en 1996), telles sont les actions les plus marquantes, en France, impulsées et soutenues par des associations comme l'AEPU, l'ANOP et la SFP 3. Un développement similaire s'observe dans les autres pays à l'économie industrielle développée, ce qui signifie qu'il n'y a pas de particularisme hexagonal en la matière.

Un domaine scientifique riche, mais éclaté

Si la psychologie comme champ professionnel diversifié a maintenant des contours assez bien définis et un titre reconnu par la loi, la situation du champ scientifique est beaucoup plus trouble. Son rattachement institutionnel est incertain. Au CNRS, la psychologie fait partie des sciences de la vie, et ses partenaires les plus proches sont les neurosciences et l'éthologie. A l'université, elle fait partie des sciences humaines avec comme disciplines voisines la philosophie et la sociologie. Cette situation institutionnelle apparemment étrange est la traduction de la position épistémologique délicate de la psychologie : science du sujet, du subjectif donc, elle doit prendre en compte les assises à la fois biologiques et sociales des fonctionnements personnels. Les domaines et les problèmes abordés, les positions épistémologiques adoptées font que les chercheurs privilégient plus ou moins l'un de ces deux pôles. Ils peuvent donc être amenés, par conviction ou par opportunisme, à défendre un réductionnisme biologique ou un réductionnisme social.

Cette double référence nécessaire au biologique et au social n'est pas sans poser des problèmes d'articulation théoriques, méthodologiques et aussi des problèmes de rivalités et de pouvoir. La pénurie en matière de crédits de recherche que nous connaissons contribue à exacerber des tensions qui, rappelons-le, sont constitutives du champ scientifique lui-même et, d'une certaine manière, sont l'aiguillon des avancées scientifiques.