La revue de la Confédération française démocratique du travail

Flexibilité, chômage, essor de l'emploi précaire... Ces tendances mettent-elles en cause ce que l'on a nommé la « société salariale » ? Pour le sociologue Robert Castel, le constat doit être plus prudent et contrasté. Tout d'abord parce que l'emploi salarié constitue 90 % de la population active, et que cette part ne cesse d'augmenter (+ 1,2 % en 1997). Le droit du travail et la protection sociale sont toujours là et ne sont pas fondamentalement remis en cause. On peut cependant parler d'un « effritement » du salariat depuis les années 80. Cet effritement n'affecte pas le salariat seulement à ses marges (les exclus) mais selon un continuum de situation qui va du Smic aux « positions salariales élevées » des cadres.

Dans la même livraison, l'économiste Michel Aglietta propose une autre vision des mutations actuelles du salariat. « La société salariale a été produite par les contradictions du capitalisme lui-même et a permis de les surmonter ». Après une phase libérale, le capitalisme s'est redéployé sur la base d'un nouveau compromis : redistribution des revenus et Etat providence ont assuré des débouchés pour la production de masse. Mais ce système est lui aussi entré en crise. Aujourd'hui, on perçoit l'apparition d'un nouveau système de « capitalisme patrimonial ». Pour assurer leur retraite, de plus en plus de salariés deviennent des épargnants-actionnaires. Les fonds de pensions qui gèrent cette épargne sont un des principaux instruments de la restructuration des entreprises. D'où le risque d'une « société schizophrène » où les salariés sont, en tant qu'épargnants, les instigateurs indirects des exigences financières qu'ils subissent en tant qu'employés.