Vingt ans se sont écoulés depuis la fin de l’URSS. Vingt ans durant lesquels ce pays grand comme un continent est passé du statut d’empire et de second acteur mondial à celui de puissance libéralisée certes, mais morcelée, pauvre et embourbée dans une guerre cruelle et interminable en Tchétchénie. En 2008, l’intervention armée des troupes russes en Géorgie a pu donner l’impression d’un regain de logique impériale de la part de la Russie. De fait, les évolutions de ces vingt dernières années dessinent le portrait d’un pays en quête d’une nouvelle image forte de lui-même. On peut distinguer deux périodes successives, incarnées par la présidence de Boris Eltsine d’abord puis par celle de Vladimir Poutine ensuite. Autant la première a été marquée par une décentralisation et un repli de la souveraineté russe, autant la seconde, à l’inverse, a vu la reprise en main du pouvoir et de l’économie par le Kremlin. L’excellente synthèse dirigée par Gilles Favarel-Garrigues et Kathy Rousselet permet de prendre une vue complète de la vie politique, économique, diplomatique et culturelle en Russie depuis deux décennies. On mesure alors la distance qui sépare la pratique de la démocratie à la russe de celle de l’Europe occidentale. Il s’avère que V. Poutine, successivement président et Premier ministre, a méthodiquement éteint toute forme d’opposition et de contestation, mis sur pied une arme de pouvoir toute-puissante (le parti Russie unie) et restreint les libertés. La Russie est donc une démocratie sans véritable vie politique, ce que résument les deux formules souvent mises en avant par Moscou : la « verticale du pouvoir » et la « dictature de la loi ». Le paradoxe est que tout cela s’est fait avec un soutien populaire sans faille. La société russe, après une thérapie libérale de choc et les bouleversements sociaux qui en ont découlé, après la perte de l’empire soviétique et les déceptions ressenties vis-à-vis des Occidentaux, réclamait un retour de l’État. Après s’être assuré la sujétion des gouverneurs régionaux et s’être débarrassé d’oligarques trop ambitieux (voir l’affaire Ioukos), V. Poutine a tout misé sur la reconquête d’une fierté russe fondée sur un patriotisme vigoureux.
Marc Olano