La sociologie politique française

On peut soumettre les faits politiques à une analyse rigoureuse. Tel est le présupposé qui a justifié la constitution d'une sociologie politique. Il faut cependant attendre l'après-Seconde Guerre mondiale pour que cette approche se développe en France, au point de sembler dominer la science politique elle-même.

Objet et genèse

Le politique n'est pas qu'une affaire d'idées abstraites (la démocratie, le pouvoir, l'Etat, etc.). C'est aussi des faits sociaux (des élections, des rapports de force, des partis politiques et groupes de pression, etc.) qui peuvent être étudiés comme tels selon une méthode rigoureuse, comparative et inductive permettant d'aller au-delà du sens commun. A ce titre, il n'intéresse pas seulement le philosophe ni même le politologue, mais le sociologue. Tel est le présupposé qui a justifié la constitution d'une sociologie (du) politique et ce dès la fin du xixe siècle dans le sillage de la sociologie définie par Emile Durkheim.

Théorie, méthode quantitative et qualitative, modélisation, comparaison..., la sociologie politique va se parer ainsi naturellement de tous les attributs d'une science digne de ce nom pour mieux se distinguer de la philosophie et de la théorie politiques.

Rétrospectivement, plusieurs penseurs et philosophes ont pu être reconnus comme des pionniers. C'est le cas de Machiavel dont Le Prince (1513) constitue une véritable enquête sur le fonctionnement du pouvoir ou de Montesquieu dont De l'esprit des lois (1748) peut être lu comme une sociologie méthodique des lois, mais surtout de Tocqueville dont De la démocratie en Amérique (1835-1840) s'apparente à une enquête sociologique sur le régime démocratique.

Max Weber et les formes de domination légitime

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Mais c'est au sociologue Max Weber (plus qu'à E. Durkheim qui considérait les faits politiques comme trop « anecdotiques » et « imprévisibles » pour être maintenus dans le champ des études sociologiques) que l'on doit l'oeuvre fondatrice de la discipline. Dans Economie et Société (1922), M. Weber expose sa célèbre typologie des formes de domination* légitime :

- La domination traditionnelle : elle caractérise les sociétés traditionnelles ; la domination politique y est fondée sur la croyance dans le caractère sacré des traditions.

- La domination charismatique : comme la précédente, elle fonde la domination sur une croyance mais dans le caractère exemplaire, exceptionnel d'une personne.

- La domination rationnelle légale : elle est l'expression la plus achevée de l'Etat moderne ; les individus n'obéissent pas à des personnes ou à des institutions mais à des règles abstraites admises par tous.

Rappelons que dans l'esprit de M. Weber, ces formes ne s'observent pas en tant que telles dans la réalité : ce sont des idéaux-types. Elles ne sont pas figées dans le marbre, mais s'imposent dans des circonstances particulières. Par exemple, la domination charismatique s'observe en règle générale dans les sociétés traversées par des crises profondes. La sociologie politique qu'élabore M. Weber ne se départit donc pas d'une perspective historique pour rendre compte des évolutions dans le temps. Elle a d'ailleurs suscité le développement d'une sociologie historique du politique.

Malgré ces bases solides et les tentatives de bien d'autres sociologues contemporains de M. Weber de jeter les bases d'une sociologie politique, une telle discipline devait tarder à être reconnue. Pas seulement en raison de l'existence d'une science politique déjà bien établie, nous en reparlerons, mais aussi de la prégnance de la théorie marxiste au sein des sciences sociales. Suivant cette théorie, en effet, les phénomènes politiques participent de la superstructure, elle-même déterminée par l'infrastructure économique et sociale. Ils sont donc moins dignes d'intérêt que les forces productives et les rapports sociaux de production qui forment cette infrastructure.