L’école n’est pas le lieu désincarné où ne régneraient que la parole du savant et le silence flatteur de l’apprenant – à défaut du crissement désormais obsolète et nostalgique des plumes sur le papier. L’école est en contexte, contexte social et économique, urbain et familial. Mais elle est aussi le contexte, qui peut être lu comme favorable ou défavorable aux apprentissages et à l’épanouissement de ses élèves et de ses personnels. Une des tendances lourdes de la recherche internationale est précisément de montrer comment le « climat scolaire » d’un établissement ou d’une école peut expliquer une meilleure réussite et une meilleure sécurité. Une telle approche ne nie pas pour autant les facteurs sociaux et les inégalités, mais elle les considère au sein d’un système complexe où nulle « cause » n’est à elle seule explicative. Il s’agit d’échapper au fatalisme sociologique consistant à faire de facteurs extérieurs à l’école les seuls facteurs explicatifs de l’échec scolaire et des difficultés rencontrées. Il ne s’agit pas pour autant de faire le procès de l’école et de ses professionnels, mais de montrer que l’action leur est possible.
• Qu’est-ce que le climat scolaire ?
La notion de « climat scolaire » rencontre depuis plusieurs années un succès grandissant. Elle permet de relier entre elles des conceptions parfois considérées comme antinomiques dans une certaine vulgate « antipédagogique » : bien-être des élèves (et des personnels) et qualité des apprentissages, lutte contre la violence à l’école et bienveillance, justice scolaire et sentiment d’appartenance à l’école. Une définition large en est proposée par une des institutions les plus actives sur le sujet, le National School Climat Center, dirigé à New York par Jonathan Cohen : « Le climat scolaire renvoie à la qualité et au style de vie à l’école. Le climat scolaire repose sur les jugements que portent les personnes sur leur expérience de vie à l’école. Il reflète les normes, les buts, les valeurs, les relations interpersonnelles, les pratiques d’enseignement, d’apprentissage, de management et la structure organisationnelle inclus dans la vie de l’école. » Pour autant, ces jugements ne doivent pas être considérés comme des jugements individuels, mais bien comme les perceptions des différents groupes sociaux qui constituent une école. Le concept doit inclure les élèves, mais aussi tous les membres de la communauté scolaire, par exemple la sécurité des professeurs et leurs relations sociales et émotionnelles avec leurs collègues ou encore la qualité du leadership.
Les principales dimensions du climat scolaire peuvent être résumées en cinq points : les relations, l’enseignement et l’apprentissage, la sécurité, l’environnement physique et enfin le sentiment d’appartenance. Un « bon » climat scolaire est défini pour chacune de ces catégories. Par exemple, des relations chaleureuses et encourageantes de la part des adultes augmentent l’estime de soi, entraînent moins de problèmes psychosomatiques, moins de victimation, et favorisent une attitude de demande d’aide face au harcèlement et aux menaces. Cette bienveillance n’est cependant efficace qu’accompagnée d’une exigence ferme pour les conduites et apprentissages, avec une haute attente dans les capacités des élèves. Des procédures contre la violence claires, bien implantées et perceptibles entraînent des effets positifs sur les résultats scolaires, la santé mentale et les comportements. À l’inverse, des politiques répressives trop dures engendrent des sentiments de crainte, et augmentent les conduites à risque et le décrochage. La perception de l’environnement physique et le sentiment d’appartenance sont intimement liés : les élèves apprennent mieux et sont plus motivés lorsqu’ils se sentent « habiter leur école » (beauté, décoration, appropriation des lieux) et valorisés, qu’ils s’investissent dans la gestion de l’école et que leurs professeurs se sentent fortement connectés à la communauté scolaire.