Le documentaire s’ouvre sur une image symbolique : quelques grappes de jeunes attendent derrière les lourdes grilles de la Fémis. Au final, la porte ne s’ouvrira que pour une infime minorité d’entre eux (6%) qui se verront accorder le privilège d’intégrer cette école prestigieuse. Pourquoi eux ? En fonction de quels critères ? Claire Simon - qui n’est pas diplômée de la Fémis mais y a été jurée - dévoile l’implacable processus de sélection, depuis les épreuves écrites dans un amphi de 1200 personnes plein à craquer, jusqu’aux oraux devant une poignée de professionnels. La force de son documentaire tient dans son extrême sobriété : ni commentaire off, ni plans superflus, la réalisatrice pose ses caméras devant les jurys et se fait oublier, à la manière de Raymond Depardon.
Que ces professionnels aient accepté de dévoiler l’envers du décor peut surprendre, tant leurs délibérations révèlent la subjectivité du processus. À plusieurs reprises lors des oraux, l’apparence des candidats semblent primer sur les motivations ou les compétences. Par exemple, un garçon, talentueux mais jugé déroutant, rebute le jury, tandis qu’une jeune fille le réjouit par sa « fraîcheur ». Surtout, de manière inconsciente, ces appréciations personnelles favorisent un mécanisme de reproduction sociale, déjà analysé il y a plus de cinquante ans par Pierre Bourdieu. Malgré le souci affiché d’équité, les jeunes de milieu défavorisé se retrouvent discriminés car ils ne tiennent pas les propos attendus par les jurés. Ainsi, un candidat d’origine populaire s’exprime dans un style trop formaté à leur goût. Un autre, qui explique avec passion être barman pour pouvoir financer des courts-métrages, se voit rejeté par certains d’entre eux, convaincus qu’il ne va pas être à l’aise à la Fémis et qu’il « n’a pas besoin de l’école » pour réussir. Au final, même si la volonté est de mêler « un noir, un rebeu, une asiate, des provinciaux et des pauvres » comme ironise une jurée, la photo des 60 étudiants retenus demeure résolument homogène. Indépendamment de sa dimension artistique, la Fémis ne se distingue donc guère des grandes écoles françaises les plus prestigieuses, perpétuant en toute bonne conscience le même processus de sélection inégalitaire, sous couvert de « méritocratie républicaine ».
Date de sortie : 8 février 2017
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