Le crime transnational était autrefois perçu comme périphérique dans les relations internationales. Il y est dénoncé de plus en plus comme un problème crucial. La Convention de Palerme sur le crime transnational, adoptée par les Nations unies en 2000, apporte la preuve de l'attention croissante portée par la communauté internationale à ce problème. Le manque de reconnaissance initial du rôle central de cette criminalité, particulièrement dans les régions sortant de guerre et dans les sociétés en transition, a rendu de nombreux conflits insolubles et entrave des évolutions vers la démocratie. La souveraineté des Etats est contestée dans de nombreux endroits du monde, les criminels se jouant des frontières et défiant la capacité des Etats à maintenir l'ordre et à protéger leurs citoyens.
La mondialisation a fourni le carburant de la croissance du crime transnational, associée, dans de nombreuses régions du monde, à une idéologie promouvant un marché déréglementé, le libre-échange et le déclin de l'intervention étatique. A en croire les avocats de la mondialisation, la réduction des régulations internationales et des barrières au commerce et à l'investissement dynamise les échanges et le développement. Mais ces conditions aboutissent aussi à créer un environnement globalisé propice à l'expansion criminelle. Les malfaiteurs transnationaux ont étendu leur contrôle géographique en exploitant le déclin des régulations et l'allègement des contrôles aux frontières. Ils s'engouffrent dans les failles du système légal géré par les Etats. Ils se déplacent dans des régions dont ils ne peuvent pas être extradés, développent leurs opérations depuis des pays où l'application de la loi n'est soit pas effective, soit soumise à une forte corruption, et blanchissent leur argent dans des endroits offrant un secret bancaire ou très peu de contrôle réel. En segmentant leurs opérations, ces criminels bénéficient de la mondialisation et simultanément réduisent les risques associés à leurs activités.
La mondialisation du crime organisé
Le crime international organisé a globalisé ses activités pour des raisons identiques à celles des multinationales légales. De même que ces dernières établissent des filiales dans le monde entier en vue d'exploiter des conditions de travail attractives ou des marchés de matières premières, les affairistes de la sphère illicite s'installent partout. C'est pourquoi les cartels de la drogue cultivent les plantes dans les pays les plus pauvres d'Amérique latine, raffinent la matière première en Colombie puis exportent les produits vers les marchés les plus riches, en Europe et aux Etats-Unis. L'argent sera ensuite blanchi sur des marchés financiers internationaux et dans des banques offshore.
Ces criminels ont bénéficié de la croissance du commerce consécutive à la mondialisation. Le trafic de stupéfiants était autrefois la source première de leurs profits, comme l'établissait clairement le World Drug Report en 1997. Mais comme le marché de la drogue accueillait de plus en plus d'acteurs en concurrence et que la répression internationale faisait sentir ses effets, de nombreux groupes se tournèrent vers d'autres activités illicites, comme le trafic d'armes ou de personnes, aidés en cela par l'économie globalisée. Une énorme hausse des trafics a alors été constatée : d'espèces (animales et végétales) en danger ; de déchets toxiques ; d'œuvres d'art et d'antiquités ; de contrefaçons. Même les crimes liés à l'économie institutionnelle (comme la fraude aux cartes de crédit) ont bénéficié de cette croissance.