Historiquement, ce ne sont pas les changements climatiques qui ont d’abord et durablement intrigué ou inquiété les hommes. Jusqu’à une période récente, c’est surtout le rôle joué par les « régimes climatiques » 1 sur les caractères, les mœurs ou le développement des hommes et des nations qui faisait l’objet de débats passionnés. Ces débats ont récemment resurgi dans les discussions sur les conséquences du changement climatique.
La conviction selon laquelle le climat explique les différences entre les hommes et les sociétés et détermine les possibilités humaines futures n’est pas nouvelle. On peut retracer cette idée au moins jusque dans l’œuvre attribuée à Hippocrate, Des airs, des eaux et des lieux (vers 400 av. J.‑C.) – même si ni Hippocrate ni ses successeurs n’utilisent le mot « climat » dans son sens moderne, météorologique. Dans ce traité, l’auteur met en évidence l’action du climat sur les qualités morales et intellectuelles des différents groupes humains. Aristote reprend à son compte cette théorie dans La Politique. Inaugurant une tradition qui fera beaucoup d’émules, le philosophe considère que le meilleur climat est celui où il habite !
Cette « théorie des climats » a connu ensuite un fort retentissement. Il est bien sûr impossible d’en retracer ici tous les avatars, mais on comprend dès lors qu’à partir du moment où les hommes ont pensé qu’ils pouvaient intervenir sur leur climat, ils se sont interrogés sur les effets positifs ou négatifs que cela pouvait entraîner, non seulement pour l’environnement, mais aussi pour eux-mêmes. Les considérations sur les conséquences climatiques des coupes de bois sont fréquentes à l’époque moderne. En France, ces idées furent remises au goût du jour par Jean Bodin au XVIe siècle, puis cristallisées au XVIIIe siècle par l’abbé Jean-Baptiste Dubos dans ses Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture (1719), et surtout, bien sûr, par Montesquieu dans De l’Esprit des Lois (1748). Dans le passage qui lui fut le plus reproché par ses détracteurs, le baron de La Brède écrivait : « Il ne faut donc pas être étonné que la lâcheté des peuples des climats chauds les ait presque toujours rendus esclaves, et que le courage des peuples des climats froids les ait maintenus libres. C’est un effet qui dérive de sa cause naturelle. »