Le juge et le philosophe

Philippe Raynaud, Armand Colin, 2008, 288 p. 22,50 €
L’histoire récente de la philosophie du droit est assez mouvementée. Après une phase de désintérêt quasi général de la part des intellectuels durant les années 1960, la disparition des régimes communistes en Europe et la perspective d’une fin de l’histoire ont amené un véritable renouveau de la discipline. De nombreuses problématiques nouvelles concernant l’État de droit, les droits de l’homme et la place du sujet dans la société ont connu un bel essor jusque dans la décennie 1990. Mais l’enthousiasme semble s’être calmé depuis : nous assistons, affirme Philippe Raynaud, à un « désenchantement du droit », concomitant au déclin des espoirs de paix nés il y a vingt ans. La recherche du soft power, la confiance dans la régulation des relations internationales, l’instauration de l’égalité formelle : ces idéaux ont été largement déçus à l’échelle mondiale, et ont entraîné avec eux bien des espoirs suscités par l’arbitrage du droit.

 

À travers ces aléas de popularité, on voit à quel point la philosophie du droit peut être sollicitée par l’actualité et touche directement aux rapports entre vérité, justice et pouvoir. Retraçant la genèse de ces questions, P. Raynaud montre comment aujourd’hui encore ces problématiques classiques alimentent les débats entre deux courants bien vivants de la pensée du droit. Le premier, rationaliste, défendu notamment par Jürgen Habermas et Ronald Dworkin, place au cœur du droit les exigences morales, indépendantes du législateur. Ce qui n’empêche pas que les principes de liberté et d’égalité soient le fruit d’un travail permanent de discussion démocratique. Le second courant, positiviste et sceptique, rejette, en se réclamant de Hans Kelsen, de Norberto Bobbio et de Michel Troper, l’existence de valeurs absolues, qui tendent toujours à instaurer le règne d’une élite intellectuelle détachée de la volonté populaire.