Le neurofeedback, surfer sur ses ondes cérébrales

Prendre conscience, en temps réel, de l’activité de son cerveau, pour mieux la contrôler : c’est tout l’enjeu du neurofeedback depuis un demi-siècle. Mais est-ce que ça marche vraiment ?

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Selon une croyance populaire, nous, humains, n’utiliserions que 10 % de notre cerveau. On sait bien sûr que cette croyance est absolument fausse : même si nous ne sommes pas tous égaux sur certains aspects (comme la façon dont les régions du cerveau communiquent entre elles), notre ingénierie neuronale est bien huilée. Mais bon, forcément, si au lieu de créer une Scarlett Johansson hyperlexique, polyglotte et extralucide suite à l’injection d’un liquide lui donnant accès aux 90 autres pourcents de son cerveau, Luc Besson avait fait un film sur l’idée que vous êtes très bien comme vous êtes (ne changez rien !), il y a fort à parier que sa superproduction Lucy n’aurait pas connu le même succès. L’idée d’un cerveau perfectible est bien plus séduisante. En revanche, oubliez le liquide vert fluo de Lucy ou la pilule magique du film Limitless, la réalité risque de prendre un peu plus de temps ! Car, oui, vous pourriez vous aussi entraîner et mieux apprendre à contrôler votre cerveau. C’est en tout cas la promesse d’un arsenal de techniques regroupées sous le doux nom de neurofeedback.

L’idée du neurofeedback est de permettre à n’importe quelle personne d’avoir une perception « en direct » de ce qui se passe dans son cerveau lorsqu’elle effectue certains types d’activités ou de comportements. À terme, elle pourrait donc moduler son activité cérébrale – c’est-à-dire rééquilibrer et optimiser celle-ci – par un entraînement. En effet, l’hypothèse qui sous-tend ces techniques est qu’il est tout à fait possible d’entraîner, de modifier et de contrôler son propre cerveau. Historiquement, le neurofeedback se détache d’un tronc commun plus large de méthodes dites de biofeedback qui concernent alors tout l’organisme : par exemple, la visualisation d’une contraction musculaire.

Tout est sous contrôle

Dans les années 1960 émerge la possibilité de monitorer non plus seulement l’activité musculaire, mais celle de nos neurones grâce, dans un premier temps, à l’électroencéphalographie (EEG). C’est avec la parution dans Psychology Today d’un article du psychologue Joe Kamiya, que la technique se voit popularisée. Dans l’expérience décrite, Kamiya commençait par demander à des sujets équipés d’un dispositif EEG de déterminer à des moments précis – quand une tonalité retentissait – si oui ou non ils étaient en train de produire des ondes alpha. Il existe en effet différents types d’ondes cérébrales caractérisées par leur fréquence et leur amplitude, et qui sous-tendent des processus différents : les ondes alpha, en l’occurrence, sont des ondes amples de faible fréquence qui surviennent dans un état d’éveil apaisé (la personne ne reçoit pas d’information, elle ne se concentre pas, elle a les yeux fermés). Dans l’expérience de Kamiya, les volontaires font au départ des prédictions un peu aléatoires, obtenant 50 % de bonnes réponses (un coup de chance donc). Le scientifique, lui, vérifie ses tracés EEG et peut dire aux volontaires à chaque essai si leur réponse est fausse ou correcte (s’ils sont en effet en train de produire des ondes alpha). Certains volontaires testés par Kamiya restent incapables de dépasser le seuil des 50 % mais pas l’un d’entre eux : Richard Bach. Grâce à cette forme de conditionnement, Kamiya observe une nette amélioration de la capacité de Bach à distinguer la présence ou l’absence d’ondes alpha dans son propre cerveau. Dès le deuxième jour d’entraînement, son taux de réussite passe à 65 %. Il atteint les 100 % au quatrième jour. Certes, Bach est peut-être un très bon élève, mais il n’empêche : Kamiya expose officiellement au monde scientifique qu’il est possible, par conditionnement, de rendre conscients des processus neuronaux. Et mieux encore, qu’à partir de cet état de conscience, le sujet va pouvoir moduler sa réponse cérébrale.