Le numérique transforme-t-il les apprentissages ?

Tablettes, smartphones, visioconférences et autres mooc… De la maternelle à l’université, le numérique est entré dans de nombreuses pratiques pédagogiques. Permet-il d’améliorer les apprentissages ?

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Apprendre à l’école repose sur l’acceptation de quatre contraintes : de temps, de lieu, des savoirs à apprendre et de la manière de les apprendre. Hors de l’école, ces contraintes disparaissent : nous apprenons tous les jours, n’importe où, à propos de tout ce que nous faisons, vivons, lisons, voyons, écoutons, avec ceux que nous rencontrons. Ce paradoxe des apprentissages scolaires, extrêmement contraints face aux apprentissages de la vie quotidienne, a depuis longtemps interpellé ceux qui enseignent ou réfléchissent à l’éducation, comme Platon, Rabelais, Montaigne, Rousseau, Dewey et tous ceux qui voulaient créer une « éducation nouvelle ». Plus récemment, la révolution numérique a laissé entrevoir une nouvelle possibilité d’exercer moins de contraintes sur les élèves, leur permettant des apprentissages scolaires moins subis et plus heureux. Cette révolution ayant commencé il y a une quarantaine d’années, il est possible aujourd’hui de faire un point d’étape.

 

1 ▪ Le numérique supprime-t-il la contrainte de temps ?

À l’école on n’apprend pas n’importe quand : les jours et les semaines sont imposés par le ministère de l’Éducation, les moments des activités au sein de la journée sont imposés par l’enseignant(e). L’apprentissage mobile fait sauter cette contrainte : via des téléphones mobiles et des tablettes qui permettent d’apprendre à n’importe quelle heure de la journée ou de la semaine (et n’importe où, dans le train ou le métro, chez soi, lors d’une promenade…). Une méta-analyse, publiée en 2012 et portant sur 164 études, montre que l’apprentissage mobile présente des résultats positifs sur la satisfaction des élèves (dans 86 % des publications analysées). Mais les auteurs ont plus de difficulté à montrer un effet positif sur l’apprentissage lui-même 1.

Par ailleurs, le numérique a largement contribué au développement de la « classe inversée », c’est-à-dire une autre façon de faire sauter la contrainte du temps. L’idée de départ est très simple : les élèves travaillent en amont, en étudiant un cours (par exemple, une vidéo d’une dizaine de minutes), en faisant une recherche documentaire ou autre, ce travail préparatoire étant essentiellement dévolu à l’acquisition de connaissances notionnelles. Quand ils arrivent en classe, les élèves peuvent poser des questions à propos de ce qu’ils n’ont pas bien compris, l’enseignant(e) peut leur proposer de mettre en pratique les connaissances notionnelles apprises préalablement, à travers des exercices et l’étude d’exemples. Le scénario ordinaire, censé aborder les connaissances notionnelles en classe est ainsi inversé. Depuis 2006, cette idée pédagogique rencontre un certain succès 2. Bien entendu, si la désignation « classe inversée » est récente, la pratique ne l’est pas. Un(e) enseignant(e) qui demande à ses élèves d’étudier avant le cours, pour pouvoir ensuite discuter, exploiter, mettre en œuvre, cela existe depuis le Moyen Âge.