Le renouveau des «sciences occultes»

À partir du 19e siècle, de nouvelles « sciences occultes » – le magnétisme de Mesmer, puis le spiritisme, la théosophie et la métapsychique au 20e siècle – ont redonné vie à l’ancien « occultisme », science des choses cachées.

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« Sciences occultes », un bel oxymore ! Cette expression prend un sens nouveau au 19e siècle quand des phénomènes étranges apparaissent que la science avec ses nouvelles exigences d’expérimentation et de preuves ne peut expliquer. Les sciences occultes se déploient surtout après les années 1880 lorsque les formes et les effets de l’hypnose connaissent une immense vogue avec le surgissement des personnalités multiples, les possibilités de suggestion sous hypnose, et les multiples formes de médiumnité. Ces manifestations sont alors partout discutées dans les salons comme dans les laboratoires. L’expression est cependant bien plus ancienne. Au début du siècle, elle désigne la kabbale, la magie et toutes les espèces de divination. Les écrits d’Alphonse Louis Constant alias Éliphas Lévy (1810-1875) y adjoignent le terme d’occultisme dans les années 1840 qui associe à la magie, l’alchimie, l’astrologie et la divination. Quelques décennies plus tard, Gérard Encausse (1865-1916), en tant que médecin, directeur du laboratoire d’hypnothérapie à l’hôpital de La Charité a l’ambition de démontrer – sous le nom de Papus – une continuité entre l’occulte de la très Haute Antiquité et la science de son époque qu’il ouvre aux nouvelles croyances religieuses que sont le spiritisme et la théosophie. Dans ce même temps, bien d’autres savants, médecins, psychologues et neurologues, physiciens et chimistes, philosophes s’engagent à leur tour dans l’étude de cet occulte. Revisitons ces parcours.

Somnambulisme magnétique

Lorsqu’en 1784, Amand Marc Jacques de Chastenet, marquis de Puységur (1751-1825), disciple du médecin Franz Anton Mesmer et de ses cures par le magnétisme animal, découvre un état modifié de conscience qu’il appelle « somnambulisme magnétique » (renommé hypnose après 1843), bien des questions se posent alors au monde savant, physiciens, médecins, philosophes et aussi théologiens. Ce somnambulisme artificiel laisse croire à une possible communication avec un au-delà, un monde extraterrestre. Il a ainsi pour conséquence immédiate de permettre à la voyance de renaître 1 et suscite des croyances spiritualistes. Il devient pour des chrétiens en quête de voies mystiques un moyen de communication avec le divin et la multiplication de spiritualismes éclectiques est un des caractères des premières décennies du 19e siècle même si le somnambulisme magnétique n’est pas toujours en jeu. Il l’est dans la renaissance du swedenborgisme : Jacques-François-Étienne Le Boys des Guays (1794-1864) ouvre en 1835 un culte public swedenborgien ; le magnétiseur Alphonse Cahagnet se veut « spiritualiste libre de l’école de Swedenborg et de Saint Martin » 2 et publie avec sa somnambule Adèle Maginot Les Arcanes de la vie future dévoilés 3.

Par ailleurs, les phénomènes somnambuliques inexpliqués questionnent le monde médical qui ne parvient pas à les expliquer. En France, plusieurs commissions de médecins sont chargées de son observation mais elles exigent d’appliquer les normes de la révolution scientifique d’une stricte répétitivité des expériences, ce qui s’avère impossible avec un « matériel » humain qui se fatigue, échoue et parfois simule… La dernière commission réunie conclut sans nuance en niant l’existence même du somnambulisme magnétique et en octobre 1840, l’Académie royale de médecine se dit lassée de ces questions et annonce qu’elle refusera dorénavant de traiter du magnétisme animal qu’elle compare à la quadrature du cercle. Ailleurs en Europe, surtout dans les territoires germaniques, magnétisme et somnambulisme magnétique restent en usage et en attente d’explications.