« Les Américains seraient-ils intéressés par des nouvelles de la France ? », se demandaient l’automne dernier Michèle Lamont, professeure de sociologie à Harvard, et Éloi Laurent, économiste à l’OFCE. Les deux chercheurs en ont fait le pari. Ils ont organisé une série de conférences sur « L’avenir de la France », qui s’est tenue à la fin de l’année 2009 au sein de la prestigieuse université américaine. Le moment était manifestement bien choisi. La mode du « French bashing » (la vitupération contre les Français), qui avait saisi les États-Unis lorsque la France avait refusé de suivre l’administration Bush dans son aventure irakienne, n’est décidément plus de mise en ces temps de crise. Des hebdomadaires anglo-saxons aussi influents que les américains Time Magazine et Newsweek ou le britannique The Economist se sont pris récemment à célébrer les vertus du « modèle français », celui-là même qu’ils considéraient, avec nombre de leurs confrères hexagonaux, comme juste bon à envoyer au cimetière des éléphants. Depuis, il y a eu la crise financière globale, et la bonne tenue relative de l’économie française, attribuée justement au rôle d’amortisseur de son « modèle social ». M. Lamont et É. Laurent ont voulu aller au-delà d’un engouement passager et identifier les forces et les faiblesses structurelles de la France en ce début de XXIe siècle.
Comment expliquer le retour en grâce de la France ?
L’économie française se caractérise par une réglementation assez forte de ses marchés et un poids important des dépenses publiques et sociales. Or ces deux traits expliquent qu’elle a jusqu’ici mieux traversé la crise financière que ses voisins. Le marché bancaire, qui n’est pas exempt de dérives, est par exemple mieux réglementé qu’aux États-Unis, au Royaume-Uni ou en Allemagne, ce qui explique que les pertes des banques françaises aient été limitées. Mais surtout, l’emploi public et les dépenses sociales ont joué un rôle d’amortisseur, permettant de maintenir le pouvoir d’achat des ménages et le niveau de la consommation. À cela s’ajoute le fait que la stratégie de croissance française est tournée vers le marché intérieur plus que vers l’exportation, contrairement à l’Allemagne par exemple. Tout cela explique que la France a connu la récession économique la moins sévère des pays de l’OCDE, après le Canada. Ce qui vaut à l’Hexagone un engouement international qu’il n’avait pas connu depuis les années 1960…