Quelles sont les raisons du suicide ?
On ne se suicide pas partout pour les mêmes raisons. Si pour certaines religions et systèmes de pensée dominants, le suicide est interdit, il peut ailleurs être toléré, accepté, voire valorisé. Ce qui peut motiver un passage à l'acte est différent selon que l'on soit en Chine (ne pas perdre la face, respecter piété filiale et fidélité familiale), en Inde (division entre castes, problèmes familiaux liés au choix du conjoint), en Afrique (difficulté à intégrer les réseaux lignagers), en Nouvelle-Guinée (expiation d'une faute), etc.
Il existe aussi des formes ritualisées de mort volontaire, des comportements prescrits liés à des normes culturelles. Par exemple le suttee indien (sacrifice des veuves sur le bûcher de l'époux défunt), le seppuku ou hara-kiri japonais (réservé à la classe des samouraïs, inséparable du code de l'honneur) ou, encore au Japon, le shinjû ou double suicide des amants (popularisé par le nô et inscrit dans une tradition romanesque).
Le « suicide vindicatif » (Nouvelle-Guinée, Chine), lui aussi culturellement intégré, est une forme radicale de protestation et de vengeance. En Chine, de jeunes épouses protestent ainsi contre les mauvais traitements conjugaux ou beaux-parentaux, faisant perdre la face à l'auteur de l'injustice par le suicide de sa victime. Le sacrifice politique (immolation, jeûne « à mort », etc.) s'apparente également à cette forme de suicide.
Enfin, on peut distinguer l'« homicide suicidaire » ou « meurtre suicide ». L'attaque suicidaire de type kamikaze des aviateurs japonais lors de la Seconde Guerre mondiale, le parang sabil des Tao Sung (île de Jolo, Philippines) sont des actes religieux et politiques s'insérant dans le contexte d'une confrontation guerrière. Quant aux « attentats suicides », tels ceux perpétrés par certains militants islamistes, on peut les voir comme un acte terroriste, mais aussi une arme de guerre, ou une forme de suicide de protestation 1...
Phénomène marginal ou phénomène commun ?
Selon l'Organisation mondiale de la Santé, un million de personnes se suicident chaque année dans le monde, soit plus de 100 personnes à l'heure. Il faut aussi garder à l'esprit que tous les suicides ne sont pas comptabilisés comme tels, certains étant « maquillés ».
Démographes, sociologues et statisticiens considèrent ainsi généralement que les chiffres absolus du suicide sont sous-estimés (d'environ 20 % pour la France). Depuis les années 1980, le suicide est devenu en France un phénomène de santé publique. Après une longue baisse, suivie d'une stagnation, le taux de suicides est reparti à la hausse au milieu des années 1970, pour atteindre un pic se situant autour de 23 pour 100 000 en 1986. Le taux actuel est de nouveau passé sous la barre des 20 pour 100 000.
La France se situe dans le peloton de tête des pays de l'OCDE : 11 000 suicides en 2000, soit beaucoup plus que le nombre de morts sur la route (descendu autour de 5 000 en 2005).
Acte privé ou révélateur social ?
Acte éminemment personnel, le suicide est d'abord lié à une pluralité de facteurs individuels (état dépressif, troubles psychiatriques, solitude, alcoolisme, etc.). Ceci dit, l'environnement social a une grande importance lors du passage à l'acte et les conditions économiques et sociales influent, directement ou indirectement, sur les variations des taux. « Ce n'est pas la société qui éclaire le suicide, c'est le suicide qui éclaire la société », expliquent les sociologues Christian Baudelot et Maurice Establet 2.