Depuis quand vote-t-on ?
Le vote est une pratique ancienne et courante dans la plupart des sociétés y compris non démocratiques (on était appelé à voter régulièrement dans l'ex-Urss) ou d'institutions traditionnelles (l'Eglise a toujours recouru à des procédures de vote sophistiquées). S'il n'empêche pas le recours à la violence ou les jeux d'influence, ce mode de désignation à une fonction ou de validation d'une décision collective a été de longue date conçu comme une alternative à l'affrontement physique, la cooptation, l'hérédité ou le tirage au sort.
En revanche, le vote tel que nous le connaissons aujourd'hui - la désignation de représentants à partir d'élections opposant plusieurs candidats - ne s'est imposé que récemment (tout comme la pratique consistant à ratifier un texte par référendum). Longtemps, ce mode de sélection a d'ailleurs été jugé non démocratique et on lui préférait le tirage au sort (comme dans la démocratie athénienne où seuls les stratèges et les généraux étaient élus tandis que les autres fonctions étaient pourvues par tirage au sort, entre des personnes jugées préalablement aptes).
Jusqu'au xixe siècle, le vote pour l'élection de représentants est réservé à une fraction de la population : les citoyens jugés actifs (ce dont devait témoigner leur capacité à payer un impôt, le cens) ; en sont donc exclues les personnes jugées dépendantes parce que subordonnées à autrui ou vivant au sein d'institutions : les aliénés, les moines cloîtrés mais aussi les domestiques et... les femmes. Ainsi, en France, le corps électoral se limite à 90 000 personnes en 1815, à moins de 250 000 en 1846. La proclamation du suffrage universel en 1848 marque un tournant. Il faudra cependant attendre presqu'un siècle pour que le droit de vote soit reconnu aux Françaises (décret du 21 avril 1944) ; un tel droit était acquis dès 1893 en Nouvelle-Zélande, 1902 en Australie, 1906 en Finlande, 1918 en Angleterre, 1919 en Allemagne... Il faut attendre également des décennies pour que soit mis fin à des privilèges comme le vote plural (la possibilité pour certaines personnes de voter plusieurs fois, introduite en France en 1820 mais également pratiquée en Angleterre, en Prusse, etc.) ou que soit adopté le vote secret avec isoloir et enveloppe (1913 en France, dès 1872 en Grande-Bretagne).
Au-delà de la résolution des problèmes techniques posés par l'organisation d'une élection au suffrage universel (définition d'un corps électoral et du mode de scrutin, découpage du territoire en circonscriptions...), la généralisation du vote pour l'élection de candidats a supposé une révolution sur le plan des idées : la reconnaissance du principe d'égalité entre les individus malgré leurs différences sociales, religieuses ou autres.