Les 1001 «dys»

Dyslexie, dyspraxie, dysphasie… Quand et comment les « dys » 
ont-ils émergé ? À quels besoins ont-ils répondu ? Comment les professionnels 
et les familles les accueillent-ils ?


Mesdames et messieurs les lecteurs, apprêtez-vous à remonter le temps et à vous glisser dans les coulisses de l’émergence des « dys » : dysphasie, dyscalculie, dysorthographie, dyspraxie… Autant de diagnostics qui jalonnent, depuis une bonne dizaine d’années, tant le secteur médical que l’univers de l’éducation. Si ces trois lettres sont bien connues des enseignants, des médecins et psychologues scolaires, des associations de familles, leur histoire, quant à elle, l’est beaucoup moins…

En finir avec la virginité du cerveau

Tout a commencé par le commencement : le nouveau-né. Sans doute vous souvenez-vous qu’auparavant, nous pensions que les fonctions cognitives du bébé étaient nulles à la naissance, que son cerveau était vierge. Après quoi, ses expériences allaient construire petit à petit ses capacités intellectuelles. Ce qu’on appelle la théorie du « constructivisme ». On estimait qu’il existait une rupture nette entre le cerveau du bébé et celui de l’adulte qui, lui, faisait l’objet de nombreuses études : « Historiquement, à partir du XIXe siècle et tout au long du XXe, toute une discipline qui consistait à étudier le cerveau adulte et les lésions très focalisées a émergé. On progressait énormément dans la compréhension du cerveau adulte, mais toujours pas dans celle du bébé. On ne voyait que ce qu’il ne savait pas faire, et non ce qu’il savait fort bien faire ! », souligne Michèle Mazeau, médecin, spécialiste en neuropsychologie infantile, auteur de nombreux ouvrages sur les troubles des apprentissages. Dès lors, les spécialistes ne pouvaient que constater une évolution, une chronologie.

Dans les années 1980, le vent tourne. Grâce aux progrès des neurosciences, les chercheurs parviennent à trouver des manières de tester les nouveau-nés et ainsi d’explorer leurs capacités. Ils peuvent enfin voir ce qu’ils ont dans le ventre (voir le dossier du Cercle Psy n°4). Ou plutôt dans la tête. C’est ainsi qu’ils réussissent à identifier des compétences précoces, jusque-là insoupçonnées, et à changer la face du monde de la neuropsychologie ! La première pierre est posée.

Ces découvertes sur les compétences précoces des nourrissons ont alors véritablement révolutionné la neuropsychologie et créé un domaine d’expertise et de recherche encore inédit : la neuropsychologie infantile. Pour marquer le coup, en 1985, Jacques Melher écrit Naître humain, un premier livre à destination du grand public, dans lequel il synthétise toutes les découvertes faites à partir des années 1970 sur la cognition et les capacités du nouveau-né. Une référence en la matière. C’est donc le scoop de l’époque : non, le bébé ne naît pas avec un cerveau tout vide, tout vierge. Celui-ci, préprogrammé, lui permet d’arriver au monde avec des capacités. Mais attention, pas des capacités globales, mais spécifiques.