Les failles d'une brillante théorie. Entretien avec Jeffrey C. Alexander

SH : Quel est, pour vous la principale contribution de Pierre Bourdieu?

J.C. A. : Avant Pierre Bourdieu, l'approche néo-marxiste « critique » de la culture en était restée à la position relativement simpliste de l'école de Francfort, qui envisage la culture comme une «industrie». La grande contribution de Bourdieu fut de dépasser cette approche en y incorporant la sémiotique, le post-structuralisme et la phénoménologie. Sa grande compétence hermeneutique n'avait d'égal que son brillant esprit théorique.

SH : Et quel est la principale critique que vous lui adressez ?

J.C. A. : Sa vision de l'acteur attache beaucoup trop celui-ci aux déterminismes culturels de sa classe d'appartenance, de son statut social et de sa position dans la hiérarchie sociale. Il accorde trop peu d'importance à l'autonomie du sujet, qui, bien qu'il soit certainement le produit de la société, constitue la base de la liberté politique et du changement social.

Il en découle une appréciation insuffisante, dans les travaux de Bourdieu, des avantages propres de la démocratie formelle, comme régime politique distinct des autres types de régimes politiques modernes.