« L’expérience de l’avenir scolaire ne peut être la même pour un fils de cadre supérieur qui, ayant plus d’une chance sur deux d’aller en faculté, rencontre nécessairement autour de lui, et même dans sa famille, les études supérieures comme un destin banal et quotidien, et pour le fils d’ouvrier qui, ayant moins de deux chances sur cent d’y accéder, ne connaît les études et les étudiants que par personnes ou par milieux interposés. »
Le constat de départ du livre Les Héritiers fait état de l’inégale représentation des différentes classes sociales dans l’enseignement supérieur : « Le système scolaire opère, objectivement, une élimination d’autant plus totale que l’on va vers les classes les plus défavorisées. »
Pour mettre au jour les mécanismes par lesquels se produit cette élimination, les auteurs Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron s’appuient sur un corpus détaillé d’enquêtes, de statistiques et d’études monographiques.
Héritage culturel et idéologie du don
Selon Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron, l’origine sociale des étudiants est le plus important facteur de différenciation (plus que le sexe, l’âge, l’affiliation religieuse…) et c’est davantage aux facteurs culturels qu’aux facteurs économiques qu’il faut en imputer les raisons.
Chez les enfants des professions libérales et des cadres supérieurs, la culture est acquise naturellement et « comme par osmose » grâce à l’environnement familial : bibliothèques, fréquentation des musées, théâtres, concerts… Mais, pour les enfants des classes sociales défavorisées, l’école reste la seule voie d’accès à cette culture que, précisément, elle véhicule et valorise dans la réussite des études.