Les liens familiaux et la détention

De l'enfermement carcéral découle le risque d'une autre forme d'isolement, familial celui-ci. La fragilisation des liens avec les proches pourrait compromettre la réinsertion.

En 1999, 48 500 hommes étaient détenus dans les 187 établissements pénitentiaires de France métropolitaine. Si l'on rajoute à ce chiffre celui des 20 000 femmes ayant un conjoint incarcéré, les 70 000 enfants (dont près de trois quarts sont mineurs) ayant un père ou un beau-père en prison, les frères et soeurs ainsi que les parents, on arrive à près de 400 000 personnes concernées par la détention d'un proche. Autant dire que l'incarcération, vécue directement ou subie par ricochet, concerne une part non-négligeable de la population française. L'Insee (Institut national de la statistique et des études économiques) vient de publier une synthèse sur l'histoire familiale des hommes détenus en milieu carcéral 1.

Première enquête menée par cet organisme dans le monde pénitentiaire (maisons d'arrêt et centres de détention), elle se base sur des entretiens menés avec plus de 1 700 hommes incarcérés. Il ressort de cette recherche que leur vécu familial diffère singulièrement de celui des hommes en liberté. Ils sont souvent jeunes - un sur cinq est âgé de moins de 25 ans -, et issus pour plus de la moitié d'entre eux d'une famille d'au moins cinq enfants (contre un quart des hommes en liberté).

Si leur vie professionnelle débute plus tôt, c'est également le cas pour leur situation conjugale, qui débute en moyenne vers l'âge de 22 ans (contre 24 ans). De plus, « dès avant leur incarcération, les liens qui les unissent à leurs compagnes sont fragiles : ils vivent plusieurs unions et de fréquentes ruptures. A leur entrée en prison, 40 % des détenus ont déjà connu au moins une rupture au cours de leur vie conjugale contre 18 % des autres hommes ». La paternité est elle aussi plus précoce, et plus massive : un tiers des hommes de plus de 50 ans ont au moins quatre enfants. Plus de la moitié des détenus ont des enfants, et les pères ont eu en moyenne 2,4 enfants.