CARINE PINA-GUERASSIMOFF

Les nouveaux migrants chinois

Il semble y avoir de plus en plus de migrants chinois en France. Est-ce une réalité ?

Oui. Il y a eu une intensification des arrivées de migrants en provenance de la République populaire de Chine (RPC) en France et en Europe. Les migrations chinoises ont commencé au début du XXe siècle, mais le mouvement a été stoppé dès 1949 avec l'arrivée au pouvoir des communistes et la fermeture des frontières. A partir de 1978, grâce aux réformes lancées par Deng Xiaoping et la libéralisation de la politique des départs de la RPC, la migration commence à se réamorcer. Elle prend de l'ampleur à partir du milieu des années 1980 et surtout du début des années 1990.

Combien sont-ils aujourd'hui en France et où se concentrent-ils ?

Il est très difficile de répondre précisément à cette question. Le recensement de 1985 faisait état de 5 000 ressortissants chinois, celui de 1990 de 14 501 et celui de 1999 de 28 329. Mais beaucoup des migrants chinois, du fait de leur statut précaire, échappent au recensement. Le nombre de naturalisations également a sensiblement augmenté : on comptait en 1990 4 004 ressortissants de la RPC naturalisés et en 1999 8 575. Entre 1995 et 2001, 4 910 personnes auraient été naturalisées. Le recoupement des différentes données confirme une intensification des flux migratoires.

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Cette migration se concentre principalement dans les régions Ile-de-France, Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte-d'Azur.

Cette immigration est-elle homogène ?

Non. On distingue trois principaux flux en fonction de la provenance et des causes de la migration. Le premier flux provient du sud du Zhejiang (province du sud-est de la Chine), tout particulièrement de la ville de Wenzhou et de ses alentours. Il existe en effet dans cette région une véritable culture de la migration, particulièrement à destination de l'Europe. Ce flux, très ancien en France, date du début du XXe siècle et est encore dominant à l'heure actuelle.

Le deuxième flux important, date de la fin des années 1990. Il provient du Dongbei, c'est-à-dire du nord-est de la Chine, surtout des provinces du Liaoning, du Shandong, du Heilongjiang et du Jilin. Ces Chinois ne semblaient pas bénéficier des mêmes dynamiques d'appui que ceux provenant du Zhejiang. Ce sont eux ? et la presse l'avait relayé ? que l'on a vus à la soupe populaire et demandant l'aide du Secours catholique. Cette migration économique est liée aux restructurations que connaissent ces provinces où étaient implantées les grandes industries d'Etat. Les migrants chinois du Nord-Est en dépit des difficultés économiques qu'ils rencontraient n'étaient pas cependant en Chine des gens miséreux. La migration coûte fort cher, or ils ont pu (avec en général l'aide de leur famille) réunir cette somme. Fait notable, ces migrants sont en majorité des femmes et elles ne sont pas particulièrement jeunes : elles ont en général entre 35 et 45 ans et laissent souvent un mari et des enfants en Chine, d'autres sont divorcées ou veuves avec des enfants à charge. Elles ont sans doute émigré parce qu'il était plus facile pour une femme d'un certain âge ayant toute sa famille en Chine d'obtenir un visa. Ces migrants du Dongbei ont été très déçus car ils n'avaient qu'une image partielle de la France et de l'Europe. Ils s'attendaient à de bonnes opportunités de travail qu'ils n'ont pas trouvées. Ils se sont donc tournés vers la niche économique chinoise en France (confection, restauration, maroquinerie...) où les conditions de travail sont très dures. Beaucoup des femmes ont aussi trouvé des places peu gratifiantes et mal payées de nounou pour les familles venant du Zhejiang. Découragées, un certain nombre d'entre elles sont entrées dans la prostitution pour gagner plus d'argent et réaliser plus rapidement leur projet migratoire (notamment rembourser leurs dettes et améliorer les conditions sociales de la famille).