Les petites fleurs, les oiseaux et les hommes

De récentes publications montrent 
les implications politiques qu’engendre 
la protection de la nature.

Dans un article d’octobre 2012 intitulé « Les petites fleurs, les petits oiseaux et les millions d’emplois », Jean-Vincent Placé, sénateur d’Europe Écologie - Les Verts (EELV), fait de la lutte contre le chômage l’une des priorités de son mouvement, au même titre que la planète, les ressources naturelles ou les pays en développement. Par l’ironie de son titre, il tente ainsi de répondre aux accusations dont sont victimes les partis écologistes : d’oublier la nature au profit d’un projet sociétal plus global. Les dissensions traversant EELV témoignent d’ailleurs de ces difficultés à mêler discours militant et action politique. Perd-on son âme verte en entrant en politique ? Nicolas Hulot s’y est brûlé les ailes… L’actualité scientifique s’est saisie de cette question, en tâchant plus précisément de comprendre quand et comment l’écologie – avant tout science de la nature – devient politique. Elle a opéré pour ce faire trois déconstructions.

1 - Le mythe des fondations

Déconstruction d’abord d’une histoire centrée sur les années 1970. Dans le récit traditionnel, l’écologie politique naîtrait en France par des associations nouvelles, comme la Fédération française des sociétés de protection de la nature en 1968, par la création du ministère de l’Environnement en 1971, par des revues – La Gueule ouverte en 1972, Le Sauvage en 1973 –, par la candidature à l’élection présidentielle de René Dumont en 1974, par la fondation enfin des Verts en 1984. Sans nier ce tournant, les articles d’un numéro spécial de Vingtième Siècle donnent une plus grande profondeur historique à « L’invention politique de l’environnement » 1, qui caractériserait justement l’ensemble du siècle dernier. À l’échelle globale comme nationale, l’entrée de l’écologie en politique s’est faite par étapes, constituant progressivement un discours, des pratiques, distinguant des acteurs reconnus comme légitimes. Il n’est pas jusqu’au régime de Vichy qui y prend sa part : sans constituer une rupture d’un point de vue environnemental, comme ses partisans ont bien voulu le faire croire, il contribue pourtant à politiser la notion d’environnement en inscrivant le retour à la terre dans sa propagande. En outre, loin d’être l’apanage d’associations militantes ou de la puissance publique, des préoccupations écologiques se font jour au cœur des trente glorieuses tant auprès des entreprises que de syndicats comme la CFDT. Cette montée en puissance s’observe dans la plupart des pays développés et trouve donc son aboutissement dans l’engagement proprement politique de certains écologistes à partir des années 1970.